Comédie dramatique écrite et mise en scène par David Geselson, avec Laure Mathis et David Geselson.
Accueilli par David Geselson et Laure Mathis eux-mêmes, le spectateur aura avant les "trois coups" le droit au verre de l'amitié agrémenté de noix de cajou ou de chips. Il s'installera sur des chaises tout autour de ce qui pourrait être l'intérieur des Gorz et, avant que "Doreen" commence, il aura l'occasion de donner un coup d'oeil aux nombreux livres qui parsèment l'espace scénique. D'emblée, nul n'ignorera qu'il est chez un couple "d'intellectuels", dans le bon sens du terme. Chacun des invités d'un soir aura vite en mains "Lettre à D" d'André Gorz, texte qui sera au centre de ces soixante-quinze minutes en compagnie de deux belles personnes, dont, au final, personne parmi le public ne regrettera d'avoir pu faire plus ample connaissance. En parcourant "Lettre à D", il découvrira que Gérard Horst, patronyme officiel d'André Gorz, a vécu 58 ans avec sa compagne Dorine, la "D" de la lettre. Ceux qui l'ont lu savent qu'il fut l'un des plus brillants penseurs post-sartriens et que ses essais, écrits dans une langue limpide, restent percutants et actuels. Ceux pour qui il était un inconnu avant d'être convié à cette soirée littéraire par David Geselson devraient, suite à cette belle initiation qui leur est offerte, vite combler cette lacune. A la manière des TG Stan, Laure Mathis, qui est une Dorine enjouée et taquine même quand la maladie rôde, et David Geselson, qui fait d'André Gorz un penseur simple et pénétré, ne cachent pas leur plaisir d'incarner ce couple d'exception et d'en offrir une vision bienveillante même dans leur chamailleries. Qui, chez de pareils hôtes, pourrait s'ennuyer ? Qu'il s'agisse des propos tenus ou de la manière de les mettre en scène, tout dans "Doreen" paraît évident et débordant d'amour de la vie. Un élan vital que ne contredit pas leur double suicide, tout au contraire. Bien que d'origine allemande et anglaise, Gérard et Dorine ont été l'honneur des intellectuels à la française et c'est une bonne chose qu'il leur soit rendu à si bel hommage. Même si, toute petite critique bénigne, Dorine Gorz n'aurait pas compris pourquoi David Geselson la retransformait en "Doreen", elle qui en épousant André était vraiment devenue Dorine. |