Comédie dramatique écrite et mise en scène par Alexis Michalik, avec Jeanne Arenes, Bernard Blancan, Alice De Lencquesaing, Paul Jeanson, Faycal Safi et le musicien Raphaël Charpentier.
Maison centrale de Nevers. Accompagnés par une jeune assistante sociale, un metteur en scène et une comédienne se rendent dans la salle polyvalente afin d’animer un atelier théâtre pour les détenus. Mais contre toute attente, seuls deux d’entre eux, Kevin et Ange, se présentent. Après les succès de ses précédents spectacles,("Le Porteur d'histoire", "Le Cercle des Illusionnistes", "Edmond" Alexis Michalik propose pour toile de fond de cette nouvelle création l’univers carcéral et base celle-ci sur une écriture collective de plateau. Il en fait comme à son habitude un spectacle romanesque porté par un souffle ininterrompu. Pièce sur le théâtre comme sur la liberté, "Intra Muros" écarte les murs et les barreaux pour raconter une histoire d’amour, du sud jusqu’en Bourgogne. Là encore, on retrouve le style de l’auteur moliérisé pour qui les différentes histoires individuelles de ses personnages finissent par se fondre pour n’en faire plus qu’une. Sur scène comme à l’accoutumée, peu de choses (un tapis, des chaises, un portant) à la façon de Peter Brook, si ce n’est le beau mur évocateur de Juliette Azzopardi qui donne à imaginer tout un univers derrière lui. Côté cour, le musicien Raphaël Charpentier (d’une sobriété si exemplaire qu’il en fait oublier sa présence) aux claviers ou à la guitare, qui accompagne en permanence le récit d’ambiances et de sons suggestifs. Les comédiens, tous épatants et avec une belle homogénéité sont pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle kaléidoscopique. Paul Jeanson, d’une belle variété de jeu, donne à Richard des allures de Woody Allen. Jeanne Arènes est comme toujours d’une précision prodigieuse avec un jeu concis. Alice de Lencquesaing montre une sensibilité à fleur de peau dans le rôle d’Alice. Elle est bouleversante. Enfin, les deux détenus aussi éloignés l’un de l’autre qui se seront rapprochés à la faveur d’un exercice d’improvisation mais surtout d’une longue amitié : Fayçal Safi, d’une puissance impressionnante, est un Kevin marquant, tout comme Bernard Blancan qui interprète un Ange éloquent à la présence mutique. Un duo poignant. Sous réserve d'un dénouement un peu trop prévisible, cette nouvelle pièce, sans atteindre toutefois l’émotion du "Le Porteur d’histoire", est néanmoins à la hauteur des attentes du public. Le grand talent d'Alexis Michalik est d’éclater la temporalité, de garder ténue au possible la frontière qui sépare la fiction de la réalité, alternant les va et vient entre le réel et le jeu, le présent et le passé. Le tout, sans perdre personne en route. C’est d’une fluidité impressionnante, que ce soit dans l’écriture ou dans la mise en scène ce qui emporte le spectateur le plus rétif en un rien de temps. Il faut bien reconnaître que ce garçon a un joli savoir-faire, et une grâce qui donne de la magie au récit. Avec "Intra Muros", Alexis Michalik offre donc un beau voyage théâtral comme on les aime qui devrait connaître, n’en doutons pas, la même réussite que ses précédents opus. |