Réalisé par Carlo Zoratti. Allemagne, Italie, France, Autriche. Documentaire. 1h24 (Sortie le 29 mars 2017). Avec Carlo Zoratti, Enea Gabino et Alex Nazzi.
Avec "Dernières nouvelles du cosmos" de Julie Bertucelli, on avait fait la connaissance de Babouillec et de son monde intérieur.
Avec "Pourvu qu'on m'aime" de Carlo Zoratti, on va sympathiser avec un autre autiste, Enea Gabino, et partager sa quête d'amour.
Si Babouillec est une autiste artiste, Enea, 29 ans, italien originaire de Terenzano près d'Udine, travaille dans une usine textile et est un sacré personnage. Son monde à lui, c'est sa joie de vivre. Une joie qu'il communique aux autres avec son beau sourire et son sens de la répartie.
Evidemment, il est et se sait "handicapé" mental et son problème, c'est, ce sont les femmes. Ce jeune homme différent est pareil à tous les hommes et a fortiori pareil à tous les hommes italiens. Un peu macho, un peu romantique, il risque surtout d'être écarté de la vie "normale" parce qu'il peut se faire insistant à la piscine ou ailleurs quand une ragazza lui plaît...
Aidé de ses deux copains dévoués à sa cause, Alex et Carlo, il va donc "chercher la femme" dans ce road-movie transalpin.
Ce qui pourrait n'être qu'un documentaire qui raconte très bien et plaisamment toute la vie d'un jeune homme autiste, et comment la société post-industrielle traite la sexualité des gens comme lui, franchit dans "Pourvu qu'on m'aime" de Carlo Zoratti les frontières de la fiction et de l'auto-fiction.
Ce qui frappe d'emblée, c'est la sincérité de l'amitié entre Enea et ses deux compères, Alex et Carlo. Qu'ils soient crédités au générique comme co-scénaristes et réalisateur n'altère en rien la réalité de leur relation avec Enea.
S'il peut s'intéresser à la gent féminine, quitte à devenir obsédé par la "chose", c'est que cette amitié contribue à faire de lui quelqu'un de bien intégré, qui ne se pose déjà plus la question de la communication avec les autres.
Car Enea, on le constate tout au long du film, a du charisme et une belle ouverture à l'autre. Dès le début de "Pourvu qu'on m'aime", et une mémorable partie de pistolet à eau, on le voit en symbiose avec son milieu. Bien sûr, cela ne l'empêche de croire qu'on peut tuer quelqu'un avec une arme en plastique coloré qui projette de l'eau à distance...
Personne ne devrait se sentir gêner de passer 80 minutes en sa compagnie. Au contraire, les plus puritains finiront par approuver ce qu'Alex et Carlo tentent de faire pour le libérer d'une sexualité qui le titille.
Partant dans leur combi vers l'Autriche et ses love centers ou vers l'Allemagne et ses accompagnatrices médicales chargées d'initier les handicapés à l'érotisme et résoudre leurs besoins sexuels, les trois garçons feront se poser à de nombreux spectateurs des questions qui ne leur seraient jamais venues à l'esprit. Et cela sous un angle jamais équivoque et sous le signe de la tolérance et de la compréhension.
Au bout de ce voyage pas comme les autres, qu'arrivera-t-il à Enea ? Aura-t-il franchi le Rubicon sexuel, exploré le monde de la sensation charnelle, vaincu ses pulsions ?
On laissera au spectateur le soin de le découvrir. Quoi qu'il en soit, il devrait sortir heureux de "Pourvu qu'on m'aime" de Carlo Zoratti, de cette balade truculente avec l'ami Enea, au point peut-être de se dire qu'il y a sans doute autour de lui des "Enea" pour qui il pourrait devenir un Carlo ou un Alex... |