Comédie dramatique de Xavier Durringer, mise en scène de Odile Huleux, avec Ariane Carmin et Philippe Poupet.
La nuit à l'envers" est une des premières pièces de Xavier Durringer. Elle s'intéresse à une question que peut se poser un jeune auteur de la fin des années 1980 qui a décidé d'inscrire son œuvre dans un quotidien populaire : qu'est-ce qui se passe dans une passe ?
Elle résout l'équation de la prostitution ou la fantasme, puisque la passe décrite ne dure pas un quart d'heure mais une nuit entière et qu'elle substitue la parole à l'acte sexuel.
Tout commence comme dans un film français d'avant "Vivre sa vie" de Godard. La prostituée parle comme Arletty et a le physique de Dany Carrel. Le client n'est pas un habitué. C'est visiblement sa première fois.
Il est timide et son physique n'est pas avantageux. Il connaît la mécanique de l'amour tarifé justement parce qu'il a vu ou lu des films ou des romans français. C'est un rôle pour Pierre Larquey, pour Fernand Ledoux ou mieux pour Michel Simon.
Durringer est en plein sentimentalisme, mêle au réalisme poétique l'esprit de son temps. Prévert est mâtiné de Besson, de Beineix ou de Carax. Comme chez eux, il y aura un gâteau d'anniversaire avec des bougies. En tout cas, la bande-son il la trouve sur "NRJ" et les clichés prennent peu à peu de la consistance.
Dans cette nuit à l'envers, le drame n'est pas drôle et le spectateur peut croire un instant qu'il va se retrouver dans l'intimité d'un couple de circonstance. Voyeur donc.
Mais Xavier Durringer n'est pas un spécialiste du "hardcore" et c'est à un face-à-face tendu et inattendu qu'il convie. En puritain naïf, il cache le sein qu'on ne saurait voir au profit d'un mystère trivial. Qui est cet homme qui vient troubler la quiétude d'une fille publique ? Que lui veut-il ? Que cache-t-il dans son sac à solitude ?
Prétexte à numéros d'acteurs, "La nuit à l'envers" tient ses promesses théâtrales et fait coup double : elle dévoile un auteur prometteur et captive son spectateur.
Dans cette version sans excessif pathos, Odile Huleux n'a pas cherché à ruser avec le travail de Durringer. Philippe Poupet est un client crédible d'une quarantaine d'années, Ariane Carmin, une belle fille à perruque blonde qui cache sa beauté rousse, et prend l'accent de la "pute au grand coeur" avant de le perdre quand elle n'est plus là pour simuler.
Il ne peut donc y avoir que des rapports dominant-dominé entre eux, avec retournements successifs de cette domination pour, qui sait, arriver à un échange moins inégal.
Pour réussir "La nuit à l'envers", pièce hantée par une écriture encore très poétique, il faut des acteurs très convaincants. C'est le cas ici.
Dirigés avec justesse par Odile Huleux, Ariane Carmin et Philippe Poupet donnent leur mesure. Grâce à eux, l'émotion triomphe de la situation et transcende sa fragilité. |