Réalisé par Eric Valette. France/Belgique. Thriller. 1h46 (Sortie le 5 avril 2017). Avec Tomer Sisley, Terence Yin, Pascal Greggory, Stéphane Debac, Erika Sainte, Carlos Cabral, Cédric Ido et Gérald Laroche.
On dit souvent que le cinéma français a abandonné le film de genre, l'a laissé à Hollywood, aux Asiatiques. Pourtant, chaque année, dans l'indifférence critique - mais pas toujours publique - des cinéastes tentent de le réanimer, de le moderniser.
Amateurs de bédés, de mangas, de cinémas B ou Z, croyant ferme en des scénarios touffus ou naïfs, des émules de "Crying Fremen" de Christophe Gans proposent des films d'action à la française.
Eric Valette est de ceux-là et, en s'appuyant sur une série noire de DOA, il livre avec "Le Serpent aux mille coupures" un polar crépusculaire qui n'a rien à envier à des films coréens ou espagnols du moment.
Certes, pour l'apprécier pleinement, il faut une âme de spectateur venu se distraire avec un récit chantourné, où la vraisemblance est vite rangée dans un placard.
Il faut aimer le gialo italien, à qui il est fait explicitement référence par l'intermédiaire d'un tueur colombien mi-allemand mi-chinois. Il faut accepter d'en revenir à un cinéma de "gueules" et de seconds rôles fortement typés qu'on a plaisir à voir livrer chacun une vraie partition d'acteur.
"Le Serpent aux mille coupures" d'Eric Valette tient son titre d'un supplice chinois que le formidable Terence Yin, qui joue le colombien précité, se fera un moment un plaisir d'esthète à réaliser en "performeur" raffiné avec la participation d'une jeune femme pas consentante du tout.
Si l'horreur peut y être à son paroxysme, "Le Serpent aux mille coupures" n'étale pas que de la violence gratuite. C'est aussi le lieu de belles ou de très mauvaises rencontres entre des personnages improbables venus de tous les horizons.
On y croisera des mafieux italiens, des Colombiens très affairés, des gendarmes français, un policier espagnol, des ploucs avinés du Tarn et Garonne, un couple de néo-ruraux interracial... et un tueur mystérieux tout de noir vêtu.
C'est dans la ferme d'Omar et Stéphanie Petit que va se retrouver cet échantillon de criminels mondialisés, avec comme chef d'orchestre, un homme blessé, sans nom, recherché par toutes les polices de France, et qualifié opportunément d'islamisme.
Dans "Le Serpent aux mille coupures" d'Eric Valette, on en saura pas plus sur les raisons de sa fuite, sur les lourds secrets dont il doit être porteur au point d'être obligé de zigouiller tous ceux qui croisent sa route. On ne constatera que sa noirceur manichéenne rendue magnifiquement par Tomer Sisley bien loin de la frime de Largo Winch.
En effet, un des atouts d'Eric Valette est son impeccable direction d'acteurs, associée à une science rare pour les choisir. Ici, pas un n'est qu'un comparse sans intérêt. Les quelques minutes où ils apparaissent ne sont jamais inutiles.
Avec peu d'éléments, un Gérald Laroche, un Jean-Jacques Lelté, un Guillaume Destrem construisent des personnages consistants et assurent la "francité" de l'entreprise, tout comme Pascal Greggory en colonel de gendarmerie humaniste.
"Le Serpent aux mille coupures" d'Eric Valette est dans sa catégorie une vraie réussite. On aurait tort de mépriser ce cinéma populaire qui ne méprise pas son public qu'on espère nombreux en salles avant qu'il ne devienne un film qui garantisse une belle audience à une chaîne de la TNT qui ne sera pas effarouchée par sa violence chorale. |