Comédie dramatique de Anton Tchekhov, mise en scène de Isabelle Hurtin, avec Bruno Bisaro, Jean-François Chatillon, Kevin Chemla, Thomas Cousseau, Frédéric Cuif, Lionel Erpelding, Marjorie Hertzog, Isabelle Hurtin, Léonor Ilitch, Fanny Jouffroy, Mathieu Saccucci et Didier Savegrain.
Cette année, les "Mouettes" se succèdent. Après celle de Thibault Perrenoud, traduisant en français une version anglaise de Tchekhov, Isabelle Hurtin a préféré revenir à une vision plus classique, en reprenant le texte traduit par Antoine Vitez. La démarche, cette fois, n'est pas d'aller vers une relecture du chef d'oeuvre de Tchekhov, au risque de le dénaturer et de le simplifier, mais d'en restituer la complexité et surtout d'essayer de lui être fidèle. On aura donc une "Mouette" avec tous ses personnages et toutes ses situations. Si cette volonté de respecter le texte du dramaturge russe est louable, elle conduit paradoxalement Isabelle Hurtin à travailler pour un public qui connaît déjà bien l'oeuvre de Tchekhov. Car cette intégrale dense est jouée sur les chapeaux de roue en voulant éviter trop de didactisme. Pas sûr, alors, que le spectateur connaissant mal Tchekhov puisse tout assimiler. D'autant qu'en ne voulant pas appuyer sur les conflits entre Arkadina (Isabelle Hurtin), la comédienne célèbre, et Treplev (Mathieu Saccucci), son fils, dramaturge en devenir et profondément opposé à Trigorine (Thomas Cousseau), l'homme avec qui elle vit, cette version finit par les rendre trop elliptiques. Pareillement, on ne perçoit pas tout le tragique du personnage de Nina (Léonor Ilitch), jeune fille qu'on découvre possédée par l'envie d'être actrice et qui va, sous l'influence de Trigorine, franchir le pas. Au contraire, on a l'impression,quand on la revoit à la fin de la pièce, qu'elle reste une éternelle jeune fille, celle qu'on découvre d'abord de blanc vêtu, comme une vierge ingénue. Elle paraît presque indifférente au mauvais sort qui l'a frappé, qui lui a fait perdre un enfant et qui n'a pas fait d'elle une comédienne heureuse et accomplie dans son art. Pourtant, le dispositif scénographique conçu par Jean-Marc Hennaut et Jean-Pierre Lescot est inventif. La manière d'introduire du théâtre dans le théâtre cherche à être original et est plutôt réussi. Reste que là aussi la représentation de la pièce de Treplev n'apparaît pas comme un cri viscéral lancé contre tout ce que représente d'insupportable le théâtre dominant de Trigorine. Finalement, le travail d'Isabelle Hutin souffre de ne pas choisir son camp. "La Mouette" est-elle une comédie grinçante sur l'art ou une tragédie sur l'impossible survie des cœurs purs, ceux qui ne font pas les concessions nécessaires pour trouver une réelle place dans la société ? C'est dommage car cette "Mouette" rassemble une distribution cohérente et possède assez de qualité de mise en scène pour convaincre sans restriction. |