Lecture-spectacle par Matthieu Marie d'après le texte éponyme de Michel Vinaver.
En 2000, l'écrivain et auteur dramatique Michel Vinaver renonce à participer à un colloque littéraire en Suisse en apprenant que les autorités helvétiques ont reçu "chaleureusement" le chancelier autrichien Wolfgang Schüssel, membre du Parti conservateur autrichien qui gouverne avec le parti d'extrême droite. Il s'en expliquera par une intervention au pupitre, dont le contenu sera ensuite publié sous le titre "La Visite du chancelier autrichien en Suisse" que le comédien Matthieu Marie propose de découvrir en portant sobrement la parole de son auteur qui n'a rien perdu de son acuité.
Ce texte éclairant et subtil procède à l'imbrication de trois thématiques interdépendantes. L'une mémorielle, en retraçant l'austrofascisme et la responsabilité historique de l'Autriche brune pour sa participation à la guerre aux côtés de l’Allemagne hitlérienne puis son amnésie favorisée par la Déclaration de la conférence de Moscou?de 1943 dans laquelle trois grandes puissances, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l’URSS, l'érigeant en victime du national-socialisme la dispensant d'un questionner rétrospectif. La seconde, analytique, qui comporte des insertions autobiographiques de ce fils d'immigrés juifs russes ayant échappé à l'Holocauste, insiste sur le venin endémique que constitue le national-socialisme, et par analogie l'extrême droite populiste, et le fait qu'il se répand non pas tant par l'activisme de ses partisans que par "l'accommodement de tout autre Etat à ce qui en résulte". Enfin, en réagissant pour la première fois de manière publique sur un événement politique, Michel Vinaver détaille sa conception de l'engagement politique, de l'homme et de l'artiste, du théâtre et de son rapport avec la politique. Ainsi, il se qualifie d'objecteur réfractaire qui manifeste son refus et son abjection par ce qu'il caractérise comme une incapacité et une abstention. Ensuite, et de manière paradoxale, il insiste sur sa position de principe indiquant qu'il n'est pas un écrivain engagé qui s'abstient d'intervenir dans le débat politique mais un auteur de théâtre. Enfin, que le théâtre qui se veut politique et soutient une position ou une idéologie de manière frontale est voué à l'échec. En revanche, il peut atteindre son but de manière "oblique". Car l'essence du théâtre est l'émotion qui peut entraîner tant un questionnement qu'un basculement des mentalités. Pour éclairer les consciences, toujours nécessaire en des temps troublés avant que ne survienne l'irréparable. |