Réalisé par Kôji Fukada. Japon. Drame. 1h52 (Sortie le 10 mai 2017). Avec Bryerly Long, Geminoid F, Hirofumi Arai, Makiko Murata, Murakami Nijirô, Yuko Kibiki, Jérôme Kircher et Irène Jacob.
Il y a quelques mois, Koji Fukada avait enchanté et parfois déconcerté les spectateurs qui avaient vu son film précédent, "Harmonium".
Avec "Sayonara", il se fait encore plus radical dans sa proposition et plus noir dans sa vision du monde.
L'action se passe dans un Japon qui vient de connaître des catastrophes nucléaires bien pires que Fukushima et qui nécessitent l'évacuation de la population hors de l'archipel. Mais si les citoyens japonais quittent un à un le pays, Tania (Brierly Long), une jeune étrangère qui vivait au Japon, par ailleurs atteinte d'une grave maladie, n'est pas prioritaire et finit par être oubliée.
C'est donc elle, qui, paradoxalement, va être la dernière femme à survivre dans un Japon désert, complètement vidé de toute vie et où les choses s'éteignent peu à peu. Son agonie, elle va la vivre en compagnie de Leona, l'androïde que lui avait offert son père.
"Sayonara" de Koji Fukuda est au départ une pièce de théâtre d'Oriza Hirata, auteur dont on a pu voir en France, "Nouvelles du plateau S", "Tokyo Notes" et surtout "Gens de Séoul" joué à Gennevilliers en 2016.
Dans la pièce comme dans le film, c'est un vrai "robot", une machine de type "Geminoid F.", qui "interprète" Leona. Et elle le fait si excellemment qu'il est fort possible que ceux qui n'auraient pas au préalable l'information sur sa vraie nature pourraient penser qu'il s'agit d'une authentique actrice.
Dans ce film lent et douloureux qui conte de manière douce et délicate la fin de l'homme, on éprouvera aussi beaucoup de peine à voir cet androïde poursuivre en vain une "vie" inutile qui ne s'arrêtera qu'à l'issue d'un aléa de son existence mécanique.
Un ultime instant que certains assimileront à un suicide, tant la tentation de prêter une âme à cette belle et courageuse "automate", qui à mesure que sa solitude grandit et devient inexorable, paraît devenir humaine.
"Sayonara" de Koji Fukada est un film dans lequel l'action est très réduite, mais qui n'est jamais ennuyeux. On croit vraiment qu'il décrit un monde en train de disparaître et que chacune des micro-actions de Tania mourante et de Leona en pleine déréliction a un sens ultime et par conséquent qu'il devrait faire pleurer le spectateur compatissant.
Dans le même temps, sourd du film une étrange sérénité, celle qui sous-entend que la vie n'est qu'un passage, que ce qui s'estompe aujourd'hui avec la mort du Japon moderne ne signifie pas la fin d'une terre belle et en passe de redevenir vierge des hommes et de ses réalisations prédatrices.
Bientôt, un nouveau monde renaîtra et on en sent les prémisses, bien avant que toutes les conséquences de la catastrophe poussent à croire à la fin pour des siècles et des siècles du pays du Soleil levant.
"Sayonara" de Koji Fukada confirme les promesses entrevues dans "Harmonium". On est bien là devant un metteur en scène qui va compter et qui sait déjà prendre le Japon où ça lui fait le plus mal. |