Il semblerait qu’Irvine Welsh ne soit plus à présenter… Si vous en doutez, sachez qu’il est l’auteur originel de Trainspotting. Et vous aurez raison de vous attendre à un nouveau roman décapant et sans ambages. Et vous aurez envie de le lire et vous aurez raison. Parce que de la langue de bois, il n’y en a pas dans La vie sexuelle des sœurs siamoises. Et ça fait du bien. Follement.
D’une plume incisive, Irvine Welsh présente un roman à deux voix, celle de Lucy Brennan, sculpturale coach sportive bi-sexuelle, affreuse avec les gros tas pleins de graisses qu’elle doit rééduquer à l’assiette saine et à la sueur. La seconde voix est celle de Léna Sorenson, obèse et déprimant personnage, complaisante avec son statut de mal aimée solitaire.
Lucy est tellement cynique qu’elle en devient presque insupportable avant que l’auteur lui donne une âme brisée. Alors que Léna est tellement mielleuse qu’elle en devient presque rasoir avant que l’auteur lui donne un coup de pied aux fesses. Elles sont l’exact opposé l’une de l’autre. Des extrêmes qui se croisent sans se voir dans le monde.
C’était sans compter le sens du spectacle d’Irvine Welsh. Un jour de banal transfert boulot-dodo, Lucy fait une prise de catch en minijupe afin d’intercéder en la faveur d’une innocente sous le coup d’une agression. Mais en ce temps des écrans, Léna qui-traînait-son-cafard dans le même secteur eu la brillante idée de filmer la scène. Propulsant Lucy-qui-n’avait-rien-demandé au rang de célébrité des réseaux sociaux.
La publicité engendrée amène de nouveaux clients à Lucy, dont Léna. Et les télé-réalités flairent le flouze en proposant des caméras embarquées dans le suivi de gros qui fondent sous le règne de Lucy. Les mails échangés sont retranscrits dans le roman, sans filtre.
Les échanges sont de croustillants moments de verbes lancés à la volée, de remarques méprisantes et de compliments dégoulinants. La lecture aurait pu être écœurante, elle ne l’est pas. Parce que l’auteur distille les mots comme on sauce un plat, avec de la mie. Les mots ne sont pas des armes destinées à dézinguer l’interlocuteur, ils construisent des remparts autour des âmes brisées. Et nous comprenons bien avant elles que Lucy et Léna se ressemblent bien plus qu’elles ne veulent le voir.
Notre Michou Audiard national a un jumeau maléfique, il s’appelle Irvine Welsh. Il a le sens de la formule, la plume acérée et est capable d’un réalisme foudroyant quand il décrit ses personnages. Les rouages de la sociologie du XXIème siècle et son influence sur le développement psychologique humain n’a aucun secret pour lui, ce qui rend La vie sexuelle des sœurs siamoises terriblement addictif. Sexe, perversion et mépris masochiste forment une relation explosive entre les deux femmes et leur sphère. Et malgré tout, on s’attache. Bluffant. Sans filtre. |