Réalisé par Stina Werenfels. Suisse. Drame. 1h62 (Sortie le 7 juin 2017). Avec Victoria Schulz, Lars Eidinger, Jenny Schily, Urs Jucker, Inga Busch, Thelma Buabeng, Renato Schuch et Sebastian Urbanski.
Tiré d'une pièce du dramaturge suisse Lukas Barfuss, "Les névroses sexuelles de nos parents", "Dora" de Stina Werenfels aborde la question des jeunes handicapés mentaux sous un angle qui peut faire polémique : celui de la sexualité.
Et, pour rendre la chose encore plus problématique, le partenaire de Dora, la jeune autiste, est "normal" au sens odieusement physique du terme et "anormal" par une tendance certaine à la perversité polymorphe...
On est loin du rayonnant portrait de "Babouillec" dans "Dernières nouvelles du cosmos" de Julie Bertucelli, loin de l'amusante quête sexuelle d'Enea, l'autiste de "Pourvu qu'on m'aime" de Carlo Zoratti. Ici, les choses sont triviales, glauques... et proches d'un réel très germanique dans son essence.
Pour rajouter une difficulté, et une cause sans doute de rejet du film par bien des spectateurs, alors que Dora tombe enceinte, sa mère essaie vainement de l'être à nouveau.
On l'a déjà dit mais le cinéma allemand est toujours révélateur du peu d'attraits qu'ont les Allemands réunifiés pour les enfants. Dès qu'ils peuvent, ils chargent la barque d'un nouveau problème. Car, ce qu'on sent bien avec le personnage de la mère jouée magnifiquement par Jenny Chily, la maternité n'est source que de névroses.
Coincée entre une grande fille autiste et le désir d'un autre enfant, avec la culpabilité de vouloir "compenser", elle perd peu à peu pied, au point de sombrer dans un univers fantasmatique, rendu dans le film par un rêve "rouge" assez réussi.
"Dora" de Stina Werenfels vaut donc à la fois comme révélateur de "la jeunophobie" de la société allemande et pour l'atmosphère très dérangeante qu'il suscite.
Le personnage de l'amant de Dora, lui aussi superbement interprété par Lars Eldinger, désormais acteur germanique incontournable dans le cinéma international, est le catalyseur de ce moment allemand où la différence est acceptée mais pas comme on croit en France comme une acceptation de la "normalité" parce que l'Allemagne serait devenue une société tolérante mais, au contraire, parce qu'elle aborde la sexualité autiste sous l'angle de la légalité de la perversion.
Si l'on aime les films à contenu, il ne faut pas rater "Dora" de Stina Werenfels. On pourra, après sa vision, se positionner en connaissance de cause sur les questions qu'il traite et, non, comme souvent au cinéma, se ranger sans réflexion à une vision lisse ou à une opinion tiède.
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