Réalisé par Rubaiyat Hossain. Bengladesh. Drame. 1h28 (Sortie le 7 juin 2017). Avec Shahana Goswami, Rikita Shimu, Mita Rahman, Shahadat Hossain et Rahul Bose.
Ce sera sans doute pour la plupart des spectateurs le premier film du Bengladesh qu’ils verront et, par la même occasion, le premier film de femme bengalie.
S’ils s’attendent à un film dans la lignée des films du grand voisin Indien, ils seront également surpris car "Les lauriers-roses rouges" de Rubaiyat Hossain est un film de facture " occidentale" et un film "féministe".
D’un point de vue sociologique, ils découvriront une réalité du Bangladesh qu’ils n’envisageaient certainement pas. En effet, l’héroïne, Roya, appartient à une classe sociale qui pourrait se définir comme une "bourgeoisie éclairée", une bourgeoisie moderne, urbaine, typique de la capitale Dacca en pleine évolution, et pour qui la culture revêt la même importance que pour des "bobos" parisiens ou londoniens.
Actrice trentenaire, elle est inquiète parce ce qu'elle joue dans une version très classique de la pièce de Rabindranath Tagore "Les Lauriers-roses rouges" et que son metteur en scène compte la remplacer par une plus jeune comédienne.
Son mari en profite pour mettre sur le tapis la question qui,lui, le hante : il souhaiterait qu’elle ait un enfant et qu’elle accepte la condition maternelle. Ses proches, comme sa mère ou une amie, lui font la même suggestion.
La femme libre qu’elle a été en choisissant d’être actrice voit ainsi la société bengalie prête à la rattraper, à lui faire rejoindre le statut inférieur réservé aux femmes dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde.
Par ailleurs, Moyna, la jeune fille pauvre qui tenait son foyer se marie avec un ouvrier et se voit contrainte de la quitter après sa grossesse. Dès lors, on suivra le parcours de Roya et celui de Moyna.
La première, au lieu de se soumettre, va se remettre totalement en cause, profitant de sa position d’actrice ; la seconde, va connaître le sort tragique de la femme bengalie "normale", celle qui s’éreinte dans l’une de ces usines textiles "infernales", où l’Occident et ses grandes marques font fabriquer à bas coût leurs produits sans se soucier du bien-être" de la main d’œuvre locale.
Les scènes où Roya, cherchant à renouveler la vérité du personnage qu’elle incarnait jusque-là de manière presque "poussiéreuse", découvre la condition des femmes qui travaillent sont d’une grande force. Pas un long discours,mais un long plan sur ces femmes dignes, malgré tout ce qu’elles doivent accepter au quotidien pour survivre, en marche vers ces usines pourries qui s’effondrent souvent comme des châteaux de cartes.
En se "révoltant" contre son confort douillet, en faisant le choix dans son métier de montrer la réalité des choses plutôt que de continuer à les représenter dans une édulcoration sucrée et kitsch, Roya se bat pour Moyna et tente d’ouvrir à la femme bengalie une autre voie que celle de la soumission aux pères et aux maris.
"Les lauriers-roses rouges" de Rubaiyat Hossain ne doit pas rester un épiphénomène. On espère que la cinéaste pourra poursuivre son œuvre, qui fait déjà polémique dans son pays, et qu’elle aussi ouvrira la voie à un cinéma en prise avec cette société pour que la vie des Bengalis de tous les sexes et de toutes les conditions ne soit plus à la merci ni d’un pouvoir archaïque ni des intérêts des industriels occidentaux. |