Benjamin revient. Il est devenu un homme, témoin ("Witness") de sa propre aptitude à évoluer dans un genre qui paraît épuisé : le blues. Il le jouait, jusqu'alors, avec la fougue d'un jeune punk en vadrouille dans le sud américain, ce qui lui a permis de voyager dans le monde entier avant de rentrer se poser chez lui, de changer son jean usé contre un pantalon neuf, et d'enfiler un costard, celui des vrais soulmen qui ont trouvé la lumière.
Car son nouvel album est lumineux. A croire qu'il a vu Jesus. De toute façon, pour jouer ce genre de musique, il faut toujours avoir God on his side, pas vrai mec ?
Benjamin Booker a maintenant la trempe des types qui savent transmettre les valeurs du jeu, du souffle, du bois et des lampes, celle des bourlingueurs comme Jack White ou Dan Auerbach. Cette fois, il pourrait aisément prétendre à la place d'outsider #1 tellement il apporte un vent de fraîcheur et d'authenticité à une musique qui ne demande qu'à être bien jouée, entretenue, respectée. Le rock n' soul à l'état pur.
"Am I gonne be a witness ?", chante-t-il tel un prédicateur, en duo avec la légendaire Mavis Staples. Cette chanson est un des dix joyaux de son nouvel album, magnifiquement produit par Sam Cohen dans les environs de New York, mais on peut y sentir la chaleur moite du bayou, l'odeur du poulet grillé à la sortie de la messe au fond d'une ruelle de New Orleans.
Le son des guitares, des choeurs gospel ou des cordes sont comme des appels à la prière, magnifiquement bien enregistrés et transmis. C'est un grand disque de blues, ce genre de blues qui a suffisamment de coffre pour s'aventurer du côté de la soul, du rock n' roll et du punk-rock ! Car Benjamin tabasse toujours autant, croyez-en sa ferveur. Sa voix rauque laisse échapper un souffle large comme le détroit du Mississippi, un souffle d'alligator serein nourri par sa foi.
Toutes les chansons sont bonnes. Je ne sais laquelle mettre en avant, et peu importe : c'est une suite de réussites. Le solo de guitare dans "Motivation", posé sur un tapis de violons, m'a donné des frissons. La fin de "Off the ground" m'a rempli d'électricité, tellement qu'en l'écoutant au casque dans le métro, je me suis levé d'un bond pour laisser mon corps se déhancher contre la barre centrale. Une barre autour de laquelle je pourrais faire une pole dance en écoutant l'extra-sensuel "The slow drag under". L'ombre de Lenny Kravitz plane au-dessus de "Carry", et c'est un compliment, j'adore Lenny. Et si le final "All was well" annonce un prochain album autant habité par la grâce, alors sois sûr, cher Benjamin, que je te retrouverai sur le chemin de ta belle destinée.
Avec la mort de Lynch, c'est un pan entier de la pop culture qui disparait, comme ça, sans crier gare. Il reste de toute façon sa discographie qui n'a pas attendu sa mort pour être essentielle. Pour le reste, voici le sommaire. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !