Charlatans Social Club
Nouvel album d’un des groupes phare des années Madchester, auteur en 90 de l’hymne clubbing "The only one I know", sorti en son temps chez Beggars Banquet. The Charlatans, désormais passé sous le giron BMG, revient en ce printemps 2017 avec Different Days, son treizième album depuis 1990. C’est par un mercredi ensoleillé que l’équipe de Froggy’s a rencontré la bande de Tim et Mark, entre coffees and beers...
A l’annonce de la sortie d’un nouvel album des Charlatans, la première impression qui m’est venue à l’esprit était celle d’un énième come back revival brit pop (en vogue ces derniers temps) d’un des groupes mythiques de la scène insolente et insouciante des années Madchester. Pourtant, il n’en est rien, le groupe s’est toujours montré très actif et prolixe, avec une rigueur métronomique depuis leurs débuts en 1990.
Mark Collins : Notre précédent album Modern Nature datait de 2015. Le groupe avait breaké depuis. Avec Tim (Burgess) on a commencé à écrire de nouveaux morceaux dont "Hey sunrise", que l’on a fait écouter au reste du groupe, ça leur a plu, on s’est donc mis à bosser sur un nouvel album. On avait connu une nouvelle période assez sombre avec le décès de Jon Brookes, notre batteur, des suites d’une longue maladie. L’enregistrement de Different Days tombait au bon moment, Modern nature et Different days sont des albums très liés l’un à l’autre.
Tim Burgess : On a vécu beaucoup de drames dans notre existence, beaucoup de morts... on a continué, on n’avait pas le choix... Quand Jon est décédé, on était en pleine démos de Modern Nature, on a tout arrêté pendant un moment, puis on s’est remis au boulot, pour Jon, sa famille, nos familles, ça nous a rendu plus fort, plus unis...
Different Days ne déstabilisera aucun des fans du groupe, la majeure partie des morceaux sonnant dans l’esprit Charlatans. "Hey sunrise", balade nostalgique, et langoureuse, ponctuée d’ambiances sombres dans l’esprit de certaines prods du label Warp ou "Plastic Machinery", premier single de l’album, groovy et clubbing, rappelant les heures de gloire du groupe qui trustait les premières places des charts avec des hymnes aux mélodies imparables. La majeure partie des membres des Charlatans étant originaire du nord-ouest de l’Angleterre, plus précisément du Lancashire, c’est tout naturellement que le groupe a fait appel à ses potes de toujours, c’est ainsi que l’on retrouve de prestigieux noms dans la liste des collaborateurs de Different Days, de Stephen Morris (Joy Division, New Order) qui joue sur sept titres, à Johnny Marr (The Smiths) que l’on retrouve sur trois morceaux, en passant par Paul Weller (The Jam, The Style Council) qui vient clôturer l’album sur le magnifique "Spinning out".
Mark Collins : L’album s’est fait avec pas mal d’artistes amis comme Pete Salisbury (The Verve), Stephen Morris, Johnny Marr, Paul Weller... L’idée était de travailler d’une manière nouvelle, innovante, on a voulu inciter ces musiciens à nous donner leur avis, leurs visions, à nous répondre. Je trouve que le résultat est bon, sonne bien.
Tim Burgess : Ce sont des potes, on est une communauté, toujours en contact, on se connaît depuis des années, certains ne sont qu’à vingt minutes du studio. On ne savait pas vraiment comment cela allait se passer, on ne se posait pas trop la question. Ils ont joué sur l’album, ont apporté leurs idées... Parfois, cela se faisait par vidéo comme avec Anton Newcombe (Brian Jonestown Massacre). D’autres potes non crédités sur l’album, A Certain Ratio par exemple, passaient, écoutaient, donnaient leur avis. Different Days prenait la tournure que j’attendais, que j’aimais.
Le groupe régulièrement qualifié de baggy and groovy, vient nous rappeler sur "Not forgotten" et "Setting sun" la face, trop souvent ignorée, psychédélique du groupe.
Mark Collins : J’ai toujours pensé que notre son était plus dans un esprit psychédélique 60’s destiné au clubbing, dans l’esprit Chicago House...
Tim Burgess : Le groupe a toujours écouté beaucoup de musiques, mais on n’arrivait jamais en studio avec tel disque d’un autre à essayer de refaire... On voulait faire des albums qui planaient, une forme de social clubbing...
Il serait aisé de décrire ce treizième album des Charlatans comme étant celui de la maturité, celui d’un groupe qui a survécu aux années Haçienda-ecsta, à l’insouciance et à la gloire planétaire des années brit pop. Bien que les membres soient quinquagénaires, les Charlatans est un groupe de son temps, ancré dans le présent et à l’affût des sons et genres de demain.
Mark Collins : Nous avons connu une époque où notre vie c’était music et ecstas. C’est le passé, on ne vit plus dans la nostalgie, on est dans le présent de 2017. On se projette dans le futur bien que l’époque actuelle soit chaotique, Trump, Le Pen, le retour des conservateurs en Grande Bretagne... nous vivons une époque agitée (ndlr : les attentats de Manchester et Londres ne s’étaient pas encore produits à la date de l’interview).
Tim Burgess : L’ecsta nous ouvrait des portes sensorielles, c’était un style de vie. Certainement, à un moment elle nous permettait aussi de fuir la merde du monde, comme chez Coppola. C’était au début de notre histoire, au final notre meilleure drogue c’est la musique, celle de Manchester, The Fall, Joy Divison, ACR, Factory records et Tony Wilson. On est toujours fort, pas si fiers que ça, cela fait 27 ans qu’on est là. Peut-être moins jeunes mais toujours présents !
Different Days est un bel album surprise d’un groupe fétiche des années 90, fidèle à son état d’esprit originel, mais qui a su rester vivant et éveillé à un monde musical qui changeait, qui évoluait, qui voyait ses codes se modifier. A écouter donc, ne serait ce que pour la surprise de découvrir The Charlatans 2017...
Merci à Marion d'Ephélide qui a rendu cette interview possible.
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