Réalisé par Alain Della Negra et Kaori Kinoshita. France. Comédie dramatique. 1h15 (Sortie le 28 juin 2017). Avec Laure Calamy, Michèle Gurtner, Arnaud Fleurent-Didier et Benoît Forgeard.
Si l'on appartient à la minorité grognonne qui se plaint, régulièrement, que le cinéma français soit routinier et sans audace, on n'aura aucune excuse de ne pas aller voir "Bonheur Académie" d'Alain Dell Negra et Kaori Kinoshita. Car, depuis, "La Bataille de Solférino" de Justine Triet, aucune proposition de film n'avait été aussi originale.
Que ses auteurs, associés à Rose Philipon, soient des artistes qui pourraient tout aussi bien trouver leur place dans le monde de l'art, de la performance ou de l'installation, en explique déjà beaucoup.
Evidemment, si l'on est totalement "innocent" face à cet objet filmé guère identifiable, on pourra presque croire à un documentaire de "propagande" pour un stage au "camp d'été" des Raéliens en Croatie. A l'opposé, si l'on sait tout du projet, on pourra penser qu'il s'agit d'une critique radicale de la secte, filmée à "l'issue de son plein gré".
La vérité, qu'elle soit subjective ou objective, n'est ni d'un côté ni de l'autre, et surtout pas au milieu des deux perceptions.
"Bonheur Académie" d'Alain Della Negra et Kaori Kinoshita est est tout aussi bien une comédie loufoque qu'une quête dramatique de cet impossible "bonheur" que Picabia avait bien raison de fuir pour qu'il ne se sauve pas.
Mais c'est aussi une expérience passionnante qui rappellera à certains le bon vieux "Loft" d'antan (mais sans Laure, Steevy, Loana et consorts), qui consiste, ici, à immerger quatre acteurs parmi les participants d'un "séminaire " raélien de plusieurs jours. Pour corser l'affaire, l'un des mousquetaires non sectaires, joue son propre personnage, en l'occurrence, celui du chanteur post-delermien, Arnaud Fleurent-Didier.
Le quatuor est donc composé de deux hommes et de deux femmes, qui, tous, à leur façon, se recherchent autant qu'ils recherchent quelque chose qui leur manque. Pour Arnaud Fleurent-Didier et son copain Bruno, le stage est pris dans son acceptation première et consiste surtout à se "relaxer" hors du train train quotidien, même si l'on n'ignore pas qu'il puisse y avoir d'ambigües thérapies de groupe.
Pour Lily et Dominique, trentenaires qui se perçoivent plutôt à l'ancienne en "vieilles filles" la recherche est plus prosaïque et est peut-être une ultime tentative ultime pour s'appairer, après des échecs dans des "formules " plus traditionnelles, genre "Club Med".
On les verra ainsi se découvrir les uns les autres, en participant aux activités proposées par le stage. Peu à peu, comme eux, le spectateur cèdera au rythme raélien, à ses rites naïfs, étranges, voire peut-être douteux.
Comme il est dit dans le générique, on sera même en présence virtuelle du "maître" et gagné par une espèce de doux sommeil apaisant. "Bonheur Académie" d'Alain Della Negra et Kaori Kinoshita a le goût de ces "siestes acoustiques" qu'un Arnaud Fleurent-Didier a sans doute déjà animées.
Reviendra également en tête le livre et le film de Michel Houellebecq, "La possibilité d'une île", qui traitait exactement du même sujet. Mais, il ne faut pas hésiter à l'affirmer : en beaucoup moins bien et en beaucoup plus donneur de leçons chez l'écrivain éthylique...
Et aussi sans la présence de Laure Calamy qui irradie le film dans le rôle de Lily. Avec elle, qui se livre à fond dans une séance de thérapie cathartique, le film gagne en émotion, en intensité sur l'échelle de "l'horreur du bonheur". Avec elle, le bonheur, une fois encore, n'est pas gai et surtout pas académique...
Devant cette description dialectique du bonheur obligatoire et introuvable, on perdra nombre de certitudes. Si la nocivité des sectes est aussi incontestable que celle du tabac, y-a-t-il une alternative à leur sociabilité extrême ?
"Bonheur Académie" d'Alain Della Negra et Kaori Kinoshita est quoi qu'il en soit un film libre et estival. |