Réalisé par Andreï Tarkovski. Russie. Drame. 1h40 (Sortie verson remasterisée le 7 juillet 2017 - Première sortie 1974). Avec Margarita Terekhov, Oleg Yankovsky, Filipp Yankovsky, Ignat Danilzew, Nikolay Grinko, Alla Demidova, Yuriy Nazarov et Anatoli Solonitsyne.
Avis aux cinéphiles : en ce millésime 2017, durant la première quinzaine de juillet, hommage est rendu au cinéaste russe Andrei Tarkovski, décédé en 1986, qui permet de voir ou revoir une oeuvre unique, singulière et sans postérité composée de sept longs métrages.
En effet, outre les deux rétrospectives lui sont concomitamment consacrées par la Cinémathèque française et le Festival International du Film de La Rochelle, la version remastérisée de cinq films dont "Le Miroir" est proposée en DVD par le distributeur Potemkine Films.
Avec en bande-son la musique baroque avec des extraits d'oeuvres de Bach, Purcell et Pergolese et scandé par la voix-off de son père le journaliste et poète Arseni Tarkovski lisant ses poèmes, "Le Miroir" imbrique images d'archives, notamment guerrières, représentation de souvenirs intimes restitués sous forme de tableaux vivants et séquences surréalistes.
Avec la symbolique du miroir comme "stargate" qui matérialise la frontière ténue entre le réel et l'imaginaire, le rationnel et le mystique, le visible et le caché, en s'affranchissant de la linéarité chronologique à laquelle le réalisateur substitue une trame mémorielle qui opère par réminiscences et associations par essence subjectives et usant de manière kaléidoscopique, et stylistiquement très maniériste, des procédés filmiques notamment de cadrage, le film engendre tout autant un sentiment d'étrangeté qu'une impression d'hermétisme.
Car le film, essentiellement autobiographique - et introspectif - en relation avec les événements tant fondateurs que traumatiques de son enfance, une enfance marquée par la séparation de ses parents et l'ambivalence de la figure maternelle, implique de connaître tant sa biographie que la cosmogonie et la culture ancestrale russes qui constituent les clés de décryptage devant être simultanément mises en oeuvre pour chaque plan et même chaque image.
Et si le film, selon les propos de Tarkovski, vise à l'universel, cette finalité intellectuelle inductive passe par une étape intermédiaire, celle de la mystique archaïque russe qui repose sur l'immanence et les forces telluriques des quatre éléments sur lesquels s'attarde la canéra.
L'air avec ces bourrasques ponctuelles et isolées qui font frémir le buisson, le feu avec l'incendie, plan étonnant d'une dacha en bois qui flambe sous la pluie, la terre avec les paysages de campagnes et de forêts de la Russie orientale aux bords de la Volga, et, surtout, l'eau omniprésente sous forme de pluie, de larmes, eau stagnante des marais ou coulante de la douche.
Par ailleurs, doit être intégré le postulat tarkovskien qui consiste en une vision holitisque du monde. L'homme n'est qu'une émanation d'un univers terrien dans lequel la terre, déesse-mère, la mère biologique et la Mère-Russie constituent un seule entité.
Alors seulement, avec le travail inconscient de réorganisation des pièces de ce puzzle fragmentaire qui intervient à la toute fin de la projection lorsque l'esprit échappe à l'hypnotisme des images, émerge l'archéologie intime de sa présence au monde.
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