La connaissance commune en matière de coutumes vestimentaires espagnoles n'excède sans doute pas quelques références folkloriques tels la mantille,le sombrero, la robe de flamenca et l'habit du toréador.
Organisée en collaboration avec le Museo del Traje de Madrid, l'exposition "Costumes espagnols - Entre ombre et lumière" sise dans la Maison de Victor Hugo, hispanophile qui a vécu et voyagé en Espagne, permet d'élargir cet horizon.
En effet, cette deuxième monstration de la "Saison espagnole" du Palais Galliera,
après l'hommage au couturier Balenciaga ("Balenciaga - L'oeuvre au noir" au Musée Bourdelle) et
précédant celui consacré à Mariano Fortuny, propose un voyage en 14 étapes correspondant aux principales régions et îles ibériques.
Vêtements et accessoires de la fin du 18ème siècle au début du 20ème ressortant à la couture dite "populaire" sont mis en valeur par la sobre scénographie de Alexis Patras.
En effet, elle évite le pittoresque anecdotique et, avec le recours au cyclo utilisé en photographie contemporaine, entre en résonance avec la réalité contextuelle effectuée par un florilège de de tirages de la série documentaire "Types et costumes de l’Espagne" réalisée dans les années 1920 par le grand photographe espagnol José Ortiz Echagüe
En Espagne, pays des contrastes, du noir à la couleur entre austérité et exubérance Le parti-pris déambulatoire ordonné selon les régions rend compte de la grande diversité stylistique des ensembles présentés qui comportent des vêtements du quotidien mais surtout des tenues de "circonstance" liées aux événements individuels tel le mariage et aux commémorations festives locales.
Cette diversité, qui témoigne d'une remarquable créativité, résulte tant de la variété climatologique que de l'héritage historico-culturel entre les anciens royaumes chrétiens du Nord et des régions du Sud sous obédience des dynasties musulmanes qui l'occupèrent.
Ainsi les influences orientalo-berbères, de la "cobijada" andalouse, déclinaison hispano-mauresque du niqab au goût de l'apparat avec la déclinaison hispano-mauresque du pectoral qui compose la tenue de mariée de Salamanque ou la parrue de la "gonella" d'Ibiza, voisinent avec les inspirations gothico- flamande en Aragon et romantique du Second Empire en Andalousie.
Une caractéristique commune, outre celle relative à la pétulante palette chromatique, tient au goût de l'ornement, non exempt de singularités locales, qui
trouve à s'exprimer même sur les lourdes capes portées dans les terres froides de Zamora.
Usant de toutes les techniques de l'incrustation à la broderie et d'un vaste répertoire ornemental, des motifs géométriques aux thèmes floraux, les petites mains anonymes hybrident broderie, plissé, rubans, cordelettes, passementerie, franges, paillettes, sertissage de pâte de verre et dentelle au point d'Espagne avec une émérite finesse d'exécution.
Le souci ornemental vise également les accessoires tels les sabots de Cantabrie, les chaussures en toile ou cuir de Tolède, les chapeaux d'Estramadure et les coiffes de paille portées sur un foulard en Castille.
Cette exposition révèle trois pôles d'intérêt à destination du visiteur. Outre la découverte du vêtement populaire espagnol placé sous le signe du métissage qui s'inscrit dans l'Histoire du Costume, elle invite à une incursion dans les arts de la mode par l'existence du tropisme ibérique dans la Haute Couture du 20ème siècle.
Bien évidemment le "native" Cristobal Balenciaga, mais aussi Hubert de Givenchy dont il fut le mentor, et l'Espagne a nourri l'imaginaire de nombreux couturiers.
Dont, et entre autres, Yves Saint Laurent pour "Les Espagnoles" de sa collection Printemps-Ete 1977 après avoir déjà décliné le motif en 1960 chez Christian Dior et dont certains modèles figurent dans l'exposition "Christian Dior - Le couturier du rêve" qui se tient au Musée des arts décoratifs jusqu'en janvier 2018, John Galliano de manière récurrente pour la Maison Dior et Jean-Paul Gaultier avec "L'Espagne" dans la collection automne-hiver 2001-2002.
Enfin, pour les amateurs d'art, la résonance avec le mouvement du costumbrisme, reposant sur un réalisme pittoresque, dont les prémisses figuraient dans les scènes de rue de Lorenzo Tiépolo présentes dans l'exposition "Collection Alicia Koplowitz - De Zurbarán à Rothko" au Musée Jacquemart,
qui trouve son apogée avec les "majas" et et "majos" madrilènes immortalisés par Goya.
A noter, la Maison de Victor Hugo a aménagé, sous le titre "Souvenirs d'Espagne", un parcours graphique dédié, conçu par Martine Contensou, chargée des manuscrits, avec des documents afférents aux drames hugoliens inspirés par le Siècle d'Or espagnol, des lavis de Hugo et des gravures de Goya et Delacroix.
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