On arrive tranquillement sur le site du Malsaucy alors que Vitalic tente, sans grand succès apparent, de motiver les quelques festivaliers réunis devant la scène de la Plage. Il faut dire qu'il est encore tôt pour certains, et que le corps commence à tirer pour ce troisième jour de festival.
Fischbach ne pouvait pas mieux espérer que ce ciel définitivement menaçant pour illustrer, dans ce romantisme inopiné, la musique mi-kitsch mi-rock du groupe, et donner une profondeur quasi cosmique à la somptueuse voix de Flora Fischbach. Même si le style du groupe n'est pas vraiment ma tasse de thé, le regard énigmatique et sévère de la chanteuse l'emporte sur tout, et fascine immédiatement, faisant de ce live à la prose très travaillée la première valeur sûre de ce jour.
Et d'un seul coup : les yeux s'écarquillent et le cœur s'agite. Rei, c'est un duo féminin d'origine japonaise, qui dépote très sévèrement. Techniquement, cela tient du génie ; musicalement, ça rend hommage au blues-rock à la perfection (Rei, élevée à New York, idolâtre Johnny Winter) et ça réussit audacieusement à fusionner un grand nombre de styles (et de langues) pour produire un son tout à fait unique, entre pop et rock ; scéniquement, ça en impose par une présence monumentale. Rei a enflammé la Greenroom, point barre.
C'est alors que le premier dilemme du festival intervient (ce qui prouve aussi que c'est une excellent programmation et un – presque - parfait running order) : Her ou HMLTD ? Même si les premiers sont encensés par la critique, on opte pour les « Happy Meal Limited » et les rumeurs sur leur scénique de folie. Pas manqué, les jeunes – labellisés « Jive Epic » chez Sony – font (littéralement) péter les plombs au milieu de la première chanson. Stylistiquement, c'est plutôt indescriptible, même si le glam rock reste le repère central de compositions dont la bigarrure rappelle Zappa, la tonalité Nick Cave, le maquillage Bowie et la posture Lias Kaci Saoudi. A voir impérativement, en petites salles si c'est encore possible vu la notoriété folle que prennent les HMLTD en ce moment, histoire de bien savourer l'étroit rapport au public du tactile leader.
Les six compères de Rocket from the Crypt, créé en 1989, disparu en 2005, réapparu sur scène en 2013, prouvent que l'on peut prendre de l'âge sans perdre son âme de rockeur. Le groupe assume une ambiance « à l'ancienne », où les cuivres assurent les chœurs et les musiciens sont tous habillés pareil... Un rock tout ce qu'il y a de plus classique, mais finalement ça fonctionne plutôt bien !
Forcément, vu nos goûts musicaux, on file voir les Meatbodies, et on n'est vraiment (mais vraiment) pas déçue. C'est habilement construit et complexe, sans être prise de tête, chaque titre tournant autour d'un garage rock – « heavygroovy » dit le groupe - très plaisant à entendre (sans doute grâce au côté retro de certains titres). Il n'y a qu'à, pour cela, aller écouter « Alice » leur dernier album pour se faire une merveilleuse idée de ces petits génies de Los Angeles. On écoute déjà en boucle...
Et là, coup de foudre. Bien sûr, on connaissait quelques titres d'Explosions in the sky, sans vraiment avoir mis sérieusement l'oreille dedans. Pour faire bref, la beauté du set est assurée par une mise en scène exceptionnelle des lumières (qui n'ont pourtant pas vraiment plu aux photographes, tous partis – sauf deux, dont moi – après le premier titre joué), et une musique qui allie la beauté mélodique, la puissance d'un style progressif qui tend au cosmique, et la qualité technique. Exceptionnel !
Et on termine notre journée avec une valeur sûre : les Dropkick Murphys, qui, comme à leur habitude, produisent un show total et délirant sur fond de teen whistle, de cornemuse et de pichets de bière (qui volent, volent, et retombent dans la fosse dans un douloureux bruit d'appareil photo détrempé).
Même si nos Eurocks 2017 sont, pour des raisons personnelles, exceptionnellement amputées d'un pluvieux dimanche (oui, je sais, j'ai raté Royal Blood, Savages et Arcade Fire), on peut quand même affirmer que ce cru est encore une fois excellent : de la renaissance de la Loggia aux chouettes découvertes musicales (Archie and the Bunkers, All them Witches, Parcels, Rei et Meatbodies), en passant – détail non négligeable - par les conditions photos qui sont merveilleusement faciles pour un festival aussi conséquent.
Pour les remerciements terminaux, la liste va s'avérer bien longue : merci mille fois à Catherine et Marion de me faire confiance depuis 2011, merci à David et Marie de publier mes petits papiers dans Froggy's Delight, merci à mes amis photographes pour la reconnaissance qu'ils m'accordent et les nombreux compliments dont mes images ont été l'objet dans le pit, merci aux « pilotes » et aux mecs de la sécu, qui sont vraiment indispensables et toujours aussi cools d'année en année.
Voilà, les Eurocks 2017, c'est déjà fini, et, bien entendu, on attend déjà de pieds fermes l'édition de l'année prochaine, pour en profiter encore plus, et encore mieux. |