Parfois dans la musique comme dans les histoires d'amour, on prend des pauses, et parfois, ça fait du bien (ou pas !) : c'est le cas des Fleet Foxes qui reviennent six ans après leur dernière oeuvre, Helplessness Blues, avec un nouvel album : Crack-Up !
Durant ces six années, beaucoup d'histoires ce sont succédées : Joshua Tillman a abandonné le groupe pour se consacrer à son projet solo, Father John Misty, Christian Wargo s'est lancé avec un side projet, les Poor Moon, accompagné par le fidèle claviériste Casey Wescott, Robin Pecknold a repris ses études à la Columbia University et a coupé sa barbe et ses cheveux pour confirmer l'allure du bon élève.
Sorti le dernier juin chez Nonesuch Records, ce troisième album apparaît comme l'album le plus pensé du groupe, l'album du changement et de la maturité : les cinq renards de Seattle ont grandi, et ça se voit bien. Onze morceaux qui voient pour le groupe l'introduction d'une section de cordes, un piano très présent et des atmosphères post-rock.
La voix voluptueuse de Pecknold ouvre la première piste au titre infini, "I Am All That I Need / Arroyo Seco / Thumbprint Scar", comme après un réveil, un faible chuchotement qui s'élève toujours plus sur l'explotion de la guitare.
"Cassius" est un hommage à Muhammad Ali, un morceau qui nous enveloppe avec ses reverbs, et nous laisse découvrir l'écriture impressionniste et engagée de Pecknold ("The song of masses, passing outside / All inciting the fifth of July / When guns for hire open fire, blind against the dawn / When the knights in iron took the pawn / You and I, out into the night / Held within the line that they've drawn").
Les questions sociales fusionnent avec le côté intimiste du folk également sur "Naiads, Cassadies", une espèce de prise de position féministe tout court ("Fire can't doubt its heat / Water can't doubt its power / You're not adrift, you're not a gift / You know you're not a flower").
Cette écriture plus personelle et émotionnelle, on la retrouve dans "If you need to, Keep time on me" et sur "Third of May / Odaigahara".
Le morceau choisi pour présenter le nouvel album au public en mai a été "Fool's Errand" (on vous conseille de regarder la vidéo réalisée par Sean, le frère de Pecknold), morceau des désillusions qui reflète bien l'âme de cet album : une déflagration de folk baroque sur des airs épiques avec le piano qui devient toujours plus présent dans la structure rythmique ("On other ocean" et son beau contraste folk / pop) et les arrangements orchestraux soignés.
Il ne manque pas la touche expérimentale ("I should see Memphis") qui complète cet album dans sa hétérogénéité musicale.
Et si chaque album montre normalement son fil rouge, ici on est au rendez-vous avec l'océan et ses vagues. Comme "On Other Ocean", "Mearcstapa" aussi nous raconte la vision de l'océan, une véritable métaphore de vie : les allers et retours des vagues, la disparition des débris, l'horizon toujours visible, toujours loin ("The eyes of the sea / So easy to meet / Mearcstapa, deaf and blind like me / And the foam doesn't sing").
"Crack-up", la piste qui donne le titre à l'entier album mérite bien ce privilège : le début folk qui laisse la place au son majesteux de l'orchestra dans la deuxième partie, comme un climax sonore qui ne veut jamais se terminer. A la fin de ce morceau, vous voudrez juste appuyer sur "play" encore une fois et tout réécouter.
Les pionniers de la renaissance du folk de premières années 2000 sont revenus en pleine forme avec un album qui va vous accompagner pendant cet été et peut-être pour les années à venir.