Ecrivain et scénariste, Delphine Coulin se fait la voix de notre monde en écrivant principalement sur des sujets contemporains. Ce que les plus cyniques qualifieraient de faits divers sont pour elle une source d’inspiration illimitée : les sans-papiers dans Samba pour la France, des destins d’adolescentes dans Dix-sept filles, sont les plus populaires. C’est avec cette même patte fine et réaliste qu’elle propose Une fille dans la jungle.
Que les choses soient claires, Une fille dans la jungle n’est pas un remake de l’histoire de Tarzan au féminin. Parce que la jungle est à Calais. Le roman commence juste après le démantèlement de ce qui fut l’antichambre des passages en Grande-Bretagne, de l’autre côté de la Manche. Les 33 kilomètres plus infranchissables que les pays d’origine des migrants délogés.
Qu’ils soient d’Ethiopie, d’Albanie, d’Afghanistan ou d’Europe de l’Est, ils sont quelques-uns à avoir tout quitté pour un avenir meilleur, parfois de leur propre initiative, souvent soutenus par une famille aimante. Leur route est semée d’embûches, de murs à franchir, d’obstacles à surmonter, de kilomètres à parcourir jusque Calais, pré-Eldorado d’une vie meilleure. Ils finissent dans la jungle, espèce de bidonville sans foi ni loi, périphérie de Calais où la pègre a fait son trou et les mafias dépouillent à tour de bras.
Ils sont tellement peu à réussir ce voyage, et semblent tellement nombreux pour les autorités locales. La jungle n’a pas été épargnée par les changements de gouvernement et les promesses électorales, il faut la démanteler. Aller hop, on va héberger ces pauvres hères dans d’autres banlieues françaises. File de droite, direction Grenoble, file de gauche, Bordeaux… Et attachez vos ceintures dans le bus.
La majorité sont des hommes, peu sont adolescents, rares sont des mineurs non accompagnés. C’est pourtant cette voix qu’a choisi de porter Delphine Coulin, la voix de Hawa, jeune éthiopienne brisée par la vie, fuyant le domicile familial quand sa mère décida de la vendre à un vieux mari plus riche qu’eux.
Sur sa soute, des embûches, la nature humaine dans toute sa splendeur, vénale et acerbe, égoïste et manipulatrice. C’est avec 5 autres réfugiés qu’elle prend la décision de former une équipe, de se cacher, de ne pas suivre les prérogatives des associations et de rester pour essayer encore et encore de passer de l’autre côté. Pré adolescents comme elle, grandit trop vite, Elira, Milad, Jawad, Ibrahim et Ali portent l’espoir que la misère du bidonville ne leur a pas volé.
Tout est compliqué, dormir, se laver, manger, ils piétinent trop souvent leur dignité pour subsister. Les Egyptiens tiennent la place avec les Soudanais, rien ne les arrête pour arriver à leur fin : s’enrichir. Avec un détachement glaçant, Hawa raconte les maltraitances, les intimidations, les manipulations, le mépris qu’elle reçoit. Et elle garde la tête haute malgré tout. De quoi faire rougir de honte le plus sot d’entre nous.
Je n’ai pas passé un bon moment, mais il était nécessaire. Parce qu’Une fille dans la jungle doit absolument être rendu public, parce qu’il est impensable que des enfants vivent dans ces conditions, parce qu’il est triste de prendre conscience que c’est à nos portes, que nous aurions pu être à leur place, et qu’eux n’auraient pas forcément agi de même. Parce qu’on ne peut que s’incliner face au courage de ces jeunes adultes privés d’enfance.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
On fait le plein de découvertes cette semaine avec des tas de choses très différentes mais toujours passionnantes. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.