Monologue dramatique de Jovan Atchine interprété par Mina Poe dans une mise en scène de Elodie Chanut.
Le discours constitue un argument théâtral classique de la partition monologale mais celui conçu par le dramaturge franco-serbe Jovan Atchine - "You-You" sous titré "Le Danuble n'est pas bleu, il est beau" - se distingue par sa triple focale.
En effet, il dresse simultanément le portrait et la condition d'une jeune fille émigrée serbe arrivée en France en 1945, un destin de femme et une évocation de l'histoire tourmentée de la Macédoine de l'occupation ottomane à la dictature communiste.
Ainsi, au début des années 1980, Yougoslava, la secrétaire du PDG surnommée "You-You" et née le jour de la création de l'Etat yougoslave, remercie ses collègues pour la fête organisée à l'occasion de son départ en retraite qui constitue le quart warholien d'une femme discrète et presque effacée alors que largement impliquée tant professionnellement que de manière personnelle dans la création et l'ascension de l'empire des établissements de confection Rosenberg.
Elle a préparé une très sérieuse allocution de rigueur mais tant l'exubérance naturelle de son tempérament que la gravité du moment, qui scelle l'entrée dans le monde des seniors faussement synonyme de nouvelle vie et actionne le syndrome du rétroviseur, l'amènent à être submergée de souvenirs qui se révèlent sous forme de maintes digressions échevelées.
Pour la mise en scène de ce monodrame aussi kaléidoscopique, de l'Histoire à l'intime, que sensible ressortant au registre tragi-comique, Elodie Chanut a misé sur une judicieuse scénographie, juste deux mannequins de couture avec l'ébauche d'un costume de militaire et une veste d'homme, et surtout le travail de lumière de Pascal Noël qui habille celle qui sera l'héroïne d'un jour.
Sobriété également dans sa direction d'acteur. En adresse au public, qui constitue l'auditoire tant du personnage que de la comédienne, Mina Poe se positionne de manière émérite dans le registre tragi-comique qui désamorce tout pathos anecdotique comme dans l'incarnation, avec un dosage émérite de l'émotion sensible. |