Pétillante écrivaine américaine, Joyce Maynard devient une habituée des librairies françaises. Ses romans traitent de phénomènes de société réalistes, les décortiquent et les amènent sous un éclairage différent. Limite anthropologique. Et intemporel. Son dernier roman s’intitule Un jour, tu raconteras cette histoire.
Ecrit à la première personne, le récit est autobiographique. Si l’ambition initiale de Joyce Maynard est de partager ses défaites et réussites avec ses proches, le résultat est un roman sensible. Les premières lignes balayent les suppositions de prétention suspectées. Oui, parce qu’une personnalité qui écrit un bouquin pour raconter sa vie possède soit un égo surdimensionné, soit un besoin de trébuchantes dans son porte-sous.
Joyce Maynard n’est pas de ceux-là. Elle romance ses tribulations et raconte ses déboires comme une copine partage des confidences sur un coin de formica. Elle lance un message d’espoir aux quatre vents, à ses lecteurs, au commun des mortels qui court après le bonheur.
Le pays des cousins imaginaires servant d’alibi au piratage (mouiii, j’ai un pote en Amérique qui a eu cette série en avant-première et qui l’a gracieusement partagé avec moi-même…) sont dans la course : you need to find le bonheur et les petits zoizios qui battent dans ton mojdo. Sinon ? Ben sinon t’es foutu guy… Du coup, voici venue la foire au développement personnel, aux étirements sur des plages auréolées de couchers de soleils, aux respirations ventrales et aux chacras speedés au jus de chou-pruneaux.
Ce que vient faire Joyce Maynard dans tout ça, c’est y mettre une bonne paire de claques à sa manière, en racontant simplement sa vie, et en expliquant patiemment que le bonheur c’est craquer pour une fossette, trouver un champi par hasard, chiper des cacahuètes à la table des voisins, croquer des pommes et gratouiller des lapins trop mignons.
Mais comment fait-elle ? Et bien elle se trompe, voyez-vous. Elle se plante carrément. Douloureusement. Se relève. Laborieusement. Et avance. Non, ce n’est pas facile. Ni évident au premier abord. Et ça lui coûte bien plus que de se plaindre et gémir sur son triste sort.
Par exemple, dans sa soif d’amour, elle se lance dans l’adoption de deux orphelines africaines. D’un point de vue rationnel, son style de vie lui accorde le luxe de proposer une vie meilleure, une éducation stylée et des fréquentations de confiance à d’autres. Son coup de cœur va pour ces deux fillettes. Une fois les formalités accomplies vient le temps où les unes apprivoisent les autres. Et la décision suivante sera la plus douloureuse de toutes : l’auteure "rend" les fillettes.
Avec nos tendances à faire de la psychanalyse à deux balles, nous ne pouvons que trouver honteuse cette décision. Abandonner des enfants abandonnés ? Non mais comment vont-elles faire dans la vie ? Abandonnées deux fois, je te dis ! Et moi je te réponds de fermer ton clapet plein de dents et de regarder la réalité en face : "Les parents ne doivent pas attendre de leurs enfants qu’ils comblent leurs besoins. On n’adopte pas un enfant parce qu’on a besoin de plus d’amour. Il vaut mieux avoir déjà résolu le problème de l‘amour".
La rencontre de Jim ouvre la porte de l’humilité et du lâcher-prise à Joyce Maynard, à sa façon de l’aimer, de l’épauler, de discuter de leurs désaccords et de partager les folies du quotidien et les évidences qu’apporte la sagesse. Un jour, tu raconteras cette histoire lui avait-il dit. Voilà chose faite. Sinon vous pouvez toujours continuer d’essayer de respirer par les tympans et de manger des graines. |