Comédie dramatique de Yann Verburgh, mise en scène Eugen Jebeleanu, avec Gautier Boxebeld, Clémence Laboureau, Radouan Leflahi, Ugo Léonard et Claire Puygrenier.
La Compagnie des Ogres, dédiée aux problématiques de société, propose avec "Ogres" un spectacle sur le thème de l'homophobie qui déconcerte tant au fond qu'en la forme dès lors qu'elle procède par mélange des genres antinomiques.
Ainsi, la partition de Yann Verburgh, tout en présentant deux composantes hétérogènes, celle du néo-brutalisme et de l'esthétisation, ressort globalement au théâtre documentaire.
En effet, visant à établir une cartographie factuelle et non réflexive de l'homophobie, elle se compose d'une multitude de fragments d'histoires de nature et d'intensité dramatique différentes, du monologue à la scène dialoguée, élaborés à partir de situations et d'événements tragiques réellement survenus dans toutes les contrées du monde, avec, en fil rouge, celui vécu par un jeune instituteur victime en 2011 d'actes de torture et barbarie et de tentative de meurtre dans la forêt des Essarts, près de Rouen.
Par ailleurs, dans sa note d'intention, Eugen Jebeleanu, qui en signe la mise en scène, la qualifie de "conte politique et poétique" qui "ouvre à un monde fantastique" et procède donc à une transposition ambivalente fondée sur le symbolisme, notamment celui de la forêt fabuleuse à entendre également comme métaphore de "la for(êt) intérieur(e)", et ce qu'il nomme "la polyphonie des voix".
Cette approche, résultant d'un parti-pris fort dont le caractère approprié ne paraît pas indubitable, est appuyée par la scénographie de Velica Panduru, un sous-bois lugubre de troncs noirs rectilignes posés sur un sol dépourvu de végétation évoquant les barreaux d'une cellule pénitentiaire, qui constitue, derrière l'avant-scène, un deuxième espace de jeu ponctuel, et un habillage musical avec chansons de style night-club/piano-bar.
Cela étant, le patchwork de saynètes bénéficie du jeu incarné des cinq comédiens - Gautier Boxebeld, Clémence Laboureau, Radouan Leflahi, Ugo Léonard et Claire Puygrenier - alternant crédiblement les rôles de victime et de bourreau.
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