Comédie dramatique de Marius von Mayenburg, mise en scène de Patrice Bigel, avec Karl-Ludwig Franciso, Bettina Kûhlke, Jean-Michel Marnet, Juliette Parmantier et, en alternance, Auguste Daniau, Lorid Perna ou Julien Vion.
Si Marius von Mayenburg avait été français, il aurait écrit des scénarios pour des cinéastes tels François Ozon. On retrouve ainsi dans "Pièce en plastique", pièce écrite en 2015, le ton de certains films français bien antérieurs, comme justement "Sitcom" d'Ozon qui date de 1998. C'est là tout le paradoxe de ce théâtre allemand qui, en palliant l'absence de cinéma national, se consacre à des sujets mineurs. "Pièce en plastique" en est la parfaite illustration puisqu'elle propose la énième critique de la société bourgeoise.
Même si le père (Jean-Michel Marnet) rêve de travailler pour "Médecins du monde", que la mère (Bettina Külhe) est l'assistante d'un artiste "moderne" (Karl-Ludwig Francisco) pas très inspiré et que le fils (Auguste Daniau, Loris Perna ou Julien Vion) porte la robe (toujours comme dans les films d'Ozon et de Xavier Dolan), rien de bien nouveau pour décrire le cauchemar climatisé qui les fait sombrer dans l'ennui. Quant à la "bonne" (Juliette Parmantier), personnage ô combien vieillot, elle semble la petite-fille des sœurs Papin... Reste l'artiste déjà cité. Si la vision de Yasmina Réza de l'art moderne était figée dans les monochromes des années 1960, celle de Marius von Mayenburg s'arrête au cœur des années 1980-1990 avec un "artiste" qui en a toujours après la société de consommation avec des dispositifs vidéos dérisoires aussi dérisoires que l'utilisation d'un frigo comme mesure du gâchis consumériste. Bref, Patrick Bigel s'attaque à une pièce d'un auteur qui bénéficie de la puissance de feu de l'Allemagne réunifiée pour se projeter au-delà de ses frontières et qui n'intéresserait personne si elle était moldave ou népalaise. Pourtant, une fois de plus, le metteur en scène fait des miracles. Grâce à un travail d'une grande intelligence, il pare cette pièce pas très excitante de beaux atours. Sur l'immense scène de l'Usine Hollander, tout commence dans un dénuement d'une blancheur polaire. Mais, peu à peu, la couleur s'immisce avec l'irruption de tas de vêtements chatoyants alors que des meubles design prennent place çà et là. Tout devient possible dans l'inventive scénographie de Jean-Charles Clair. D'une immense casserole, les acteurs extrairont des élastiques alors que les bols de soupe alignés sur une longue table roulante très haute et très blanche seront éclairées de l'intérieur... L'atmosphère ainsi créée, les acteurs peuvent en faire des kilotonnes pour rendre vivants les personnages de Marius von Mayenburg. Dans la dérision caricaturale, ils sont formidables et leur charge anti-bourgeoise fonctionne, qu'on adhère ou pas au texte. Au bout du compte, sous l'impulsion de Patrick Bigel, "Pièce en plastique" devient un spectacle plus amusant que celui conçu à l'origine par l'auteur. Ce serait même, et de loin, l'un des meilleurs divertissements de ce début de saison. Bien entendu, il faudra pour cela réduire ses ambitions et considérer que les pièces bien argumentées et bien interprétées sont souvent assez rares pour passer sur le sujet-prétexte de "Pièce en plastique" et admettre qu'un large public prendra plaisir à la voir ainsi montée. |