Colors
(Fonograf Records / Capitol Records) octobre 2017
Pendant un moment, il y a un peu plus d’une vingtaine d’années, la musique pop a ressemblé à Beck. Tout d’un coup avec son allure de branleur, sa musique mélangeant, expérimentant savamment folie pop, hip-hop, bidouillages, folk introspectif, rock déjanté, blues et son envie bouillonnante d’aller toujours de l’avant, Beck apportait un son nouveau et un style différent dans le courant pop / rock dominant pour devenir en quelque sorte le maître du mouvement alternatif des années 90.
Souvent devant, parfois à côté, la discographie du musicien n’a jamais ressemblé à un encéphalogramme plat, connaissant des hauts assez vertigineux (Mellow Gold (1994), One Foot In The Grave (1994), Odelay (1996), Sea Change (2002), Morning Phase (2014) rajoutons Song Reader n'existant que par des partitions et qui risque bien de rester le grand oublié de sa carrière) et moments plus anecdotiques (Mutations (1998), Midnite Vultures (1999), Guero (2005), The Information (2006), Modern Guilt (2008)).
Avec ce Colors, Beck annonce clairement la couleur avec un disque résolument plus joyeux et plus fun, se voulant un contrepoint au rêveur et plus acoustique Morning Phase. Il devait y avoir de l’urgence et un côté plus brut et le disque devait s’enregistrer dans la foulée du précédent. Or, il n’en fut rien et les séances avec divers producteurs se succédèrent. Malheureusement, c’est souvent quand il va dans ce genre de direction qu’il est le moins intéressant. Et cela se vérifie une nouvelle fois.
De folie ici, il n’en est pas vraiment question. Ce Colors est ce qui se passe quand Beck essaie de jouer le jeu de la sunshine pop, quand l’effet de miroir se retourne et que c’est lui qui se met à ressembler quelque part à la musique de son époque, tout en faisant une sorte de condensé de sa carrière. Pas très fin mélodiquement et harmoniquement, manquant parfois d’idées, poussif et trop calibré et convenu, trop propret et passe-partout, ce disque n’est pourtant pas vraiment mauvais ("Dreams", "Dear Life", "Up All Night", "Fix Me" sont de bons morceaux) mais est très loin d’être franchement transcendant ("Square One", "Colors", "Seventh Heaven", "I’m So Free", "Wow"). Nous ne nous appesantirons pas ici sur l’utilisation, qui semble tristement à la mode, de la flûte de pan. Nous ne pouvons que nous interroger sur l’intérêt de son timbre... Un disque en demi-teinte, un comble en quelque sorte.
Chez Froggy's on préfère les chanteurs peints en bleu que les présidents peints en orange. Mais comme on n'y peut rien, il ne reste qu'à attendre et lutter avec les moyens du bord: la culture. C'est parti pour le programme de la semaine.