Jill Leovy est journaliste pour le Los Angeles Times, fondatrice du blog The Homicide Report qui permet de mettre un nom et un visage sur toutes les victimes d’homicide de la ville. Elle devient auteur, maintenant, avec Côté Ghetto, son premier livre publié aux éditions Sonatine, qui a connu un succès retentissant dès sa sortie aux Etats-Unis, obtenant au passage le prix du meilleur document de l’année par le New York Times et le Washington Post.
Avec ce livre, Sonatine investit le champ du polar journalistique littéraire de la plus belle manière. Dans la lignée de l’œuvre de David Simon qui, avec la superbe série The Wire, nous livrait le quotidien des habitants de Baltimore livrés à une grande criminalité, Jill Leovy nous parle dans son livre de South central, quartier symbole de la violence et de la criminalité, situé dans Los Angeles. De ce quartier, de ce ghetto, Jill Leovy en fait à la fois un lieu et un destin. Un lieu, tout d’abord, pour les jeunes, noirs pour la plupart qui sont souvent plus en sécurité en prison que dans les rues. Un lieu, aussi, où les plus violents sont les héros et les victimes les laissés-pour-compte. Un lieu, enfin, ou certains hommes, des policiers tentent comme ils le peuvent de résoudre les nombreux homicides qui polluent le quartier.
Le travail et les difficultés de ces policiers de South central sont l’objet du premier tiers du livre. Jill Leovy nous décrit le travail de ces policiers, leur humanité et leurs difficultés, englués dans un marasme ambiant, tentant de donner un sens à leur métier au milieu de ces nombreux homicides non élucidés. Le livre nous montre qu’ils luttent autant contre le meurtre que contre leur administration qui est totalement déconnectée de la réalité. On a alors dans cette première partie un véritable travail journalistique où l’on suit le travail de ces policiers, de la recherche d’indices sur les scènes d’homicide aux interrogatoires des suspects en passant par l’annonce des décès aux familles. Cette première partie est instructive et passionnante, ouvrant sur la seconde partie polar du roman.
La seconde partie du livre fait de South Central, non plus un lieu mais un double destin, celui d’un jeune du quartier, Bryant Tenelle, fils dun policier, abattu sur un trottoir, non loin de chez lui et celui d’un policier, John Skaggs, qui va tout faire pour éviter que cet homicide ne reste non résolu comme la plupart de ceux qui touchent le ghetto tous les ans. A partir de nombreux témoignages, nous suivons avec précision l’enquête de cet homicide, se plaçant du côté des victimes et des bourreaux pour aboutir enfin au procès des suspects.
Au travers de ce simple fait divers comme il en existe tant d’autres aux Etats-Unis, Jill Leovy nous livre un texte criant d’humanité et de réalisme sur ce qui gangrène le cœur des villes américaines, la violence et les homicides. Elle tente surtout de percer le mystère de ces homicides noirs aux proportions démesurées.
Pourquoi un jeune noir a-t-il quinze fois plus de chances de se faire tuer qu’un blanc aux Etats-Unis ? Pour tenter de trouver une éventuelle réponse à cette question, Jill Leovy souhaite savoir ce qui se passe et pourquoi, elle cherche des réponses dans des faits avérés qui sont la source du livre et dans les politiques officielles mises en place dans ces quartiers difficiles, le tout en évitant les spéculations simplistes et les certitudes convenues.
Côté ghetto est donc un grand livre, une grande enquête sociale sur la société américaine, fruit d’un travail journalistique pointilleux. C’est aussi un formidable hommage pour ces policiers américains qui travaillent dans des conditions très compliquées, dangereuses aussi et qui souffrent d’un manque de considération et de reconnaissance de leurs supérieurs.
Côté ghetto, enfin, est un livre qu’il faut absolument lire, et cela ce n’est pas moi qui le dit, c’est Michael Connelly lui-même. Si cela n’arrive pas à vous convaincre… |