François Chaplin, Jean-François Verdier & Orchestre Victor Hugo Franche-Comté
Mozart : Piano Concertos Nos. 23 & 24
(Aparté Music) octobre 2017
"À mon sens, la musique renforce, aussi bien dans la joie que dans le drame, les sentiments." Jacques Demy
A titre personnel, ce disque me parle énormément. Il me rappelle avoir joué le concerto n°23 de très nombreuses fois avec différents orchestres et des pianistes comme Zhu Xiao-Mei, Vanessa Wagner ou encore Mikhail Rudy et c’était toujours un énorme plaisir. Non, plus que cela, bien plus que cela. Comme le sentiment d’une communion avec les autres musiciens de l’orchestre et les solistes, toucher du doigt quelque chose de l’ordre de l’âme humaine, de l’ataraxie musicale.
Il n’est nullement besoin d’être musicien, ni même un féru de musique classique pour aimer ce disque. Bien que composé pour plaire et lui faire de la publicité, et joués par le compositeur lui-même, sorte de musique pop avec deux cents ans d’avance, les concertos, et notamment ceux pour piano possèdent un supplément d’âme, quelque chose qui touche au-delà de la musique, loin de toute facilité tape-à-l’œil ou frivolité. Ils montrent le compositeur jonglant entre l’académisme du style concertant héritier du concerto grosso et le modernisme de la forme sonate.
Les concertos n°23 & 24 datent d’une période (la saison 1785 / 1786) où le compositeur viennois est en état de grâce (Les Noces de Figaro, la symphonie n°38, les quatuors pour cordes et piano, le concerto pour piano n°22 et 25, la sonate pour violon K481, le concerto pour cor n°4… sans parler des débuts de l’écriture de Don Giovanni datent de cette saison) au niveau de l’écriture mais dans une période beaucoup plus sombre personnelle puisqu’il est mis à l’écart de la vie musicale Viennoise et connaît d’extrêmes difficultés financières.
Le concerto n°23 est d’une splendeur dramatique incroyable. Il est célèbre notamment pour son second mouvement, le dernier en mode mineur chez Mozart (ici en fa# mineur), avec sa beauté presque surréaliste et irréelle et ses tensions héritières de l’Aufklärung et du Sturm und drang annonçant le romantisme à venir, où Mozart montre toute sa détresse. Alfred Einstein évoquait à propos de ce concerto "la richesse des couleurs et la transparence d’un vitrail".
Le concerto n°24 plus sombre montre un Mozart en plein troubles conjugaux, lui qui est marié avec Constance Weber, femme qu’il a épousé alors qu’il était épris d’une autre fille weber et qui tombe amoureux de Therese Von Trattner. Mais les richesses orchestrales et harmoniques (la sixte napolitaine et les intervalles de septième diminués du début par exemple) annoncent aussi les bouleversements, les révolutions à venir.
Une musique qui brille par son total génie mais qui n’est rien sans une excellente interprétation, et ici l’interprétation de François Chaplin et de l’orchestre Victor Hugo sous la direction de Jean-François Verdier est toute en finesse, équilibres, phrasés et pleine de dynamiques, donnant du sens à la dramaturgie musicale. François Chaplin possède la faculté de passer d’une mélodie merveilleuse à d'un déferlement sonore avec une facilité qui confine à la maestria.
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