Comédie d'enquête adaptée et mise en scène par Sylvain Maurice d’après le roman éponyme de Laurent Binet, avec Constance Larrieu, Sébastien Lété, Pascal Martin-Granel, Manuel Peskine et Manuel Vallade.
Avec "La 7e fonction du langage", Prix Interallié 2015, Laurent Binet a écrit une espèce de "Da Vinci Code" intello transformant l'accident de Roland Barthes, renversé par un véhicule rue des Écoles, en un complot qui va traverser les champs philosophiques et sémiologiques. Michel Foucault, Philippe Sollers, Umberto Eco, Jacques Derrida, et même Bjorn Borg et Ivan Lendl ainsi que François Mitterrand feront des apparitions dans cette pochade distrayante qui, mine de rien, distillait aux plus rétifs de vrais notions de linguistique. Dans son adaptation pour la scène, Sylvain Maurice a recentré le récit de Laurent Binet pour le transformer en une vraie enquête policière avec en fil conducteur l'improbable association du commissaire Bayard (Pascal Martin-Granel) et Simon Herzog (Manuel Vallade), chargé de TD à la défunte fac de Vincennes. Sur un plateau encadré de part et d'autre par les musiciens Manuel Peskine (par ailleurs compositeur de la musique) et Sébastien Leté, les trois acteurs (les déjà cités plus Constance Larrieu) incarnent toute la galerie de personnages. Ils sont la plupart du temps devant deux panneaux coulissants qui servent parfois de support aux vidéos de Renaud Rubiano, ou s'ouvrent pour laisser apparaître un écran plus large sur lequel on peut voir un décor en phase avec le déroulement de l'action (rue de Paris, canal de Venise...). La scénographie astucieuse d'Eric Soyer rappelle, comme l'affiche du spectacle, les feuilletons télés ou les James Bond d'antan où l'on usait et l'on abusait du "split screen", c'est-à-dire du découpage de l'écran en plusieurs actions simultanées. Grâce à la belle triplette d'acteurs, qui ne cache pas son plaisir à participer à ce divertissement haletant, cette bédé théâtrale pleine de fantaisie atteint sa cible. Si l'on s'est préalablement muni d'un crayon et d'un papier, on pourra aussi - au passage - attraper quelques concepts de sémiologie au vol. Car, c'est une des qualités du livre de Laurent Binet que d'avoir la fibre pédagogique.Comme Sylvain Maurice est à son unisson, le Saussure (Ferdinand de), le Seattle (John), le Jacobson (Roman) devraient être acquis sans peine comme le Roland Barthes par le spectateur attentif. Evidemment, il est préférable d'avoir la nostalgie - ou la connaissance - des années 1970-1980, et particulièrement d'avoir un faible pour l'avènement de François Mitterrand pour apprécier à sa juste valeur la pièce de Laurent Binet et ses révélations surprises. En effet, "La 7e fonction du langage" contient des révélations aussi fondamentales que celles concernant les Illuminati dans le "Da Vinci Code". A commencer par l'élucidation d'un grand mystère : pourquoi François Mitterrand a-t-il été aussi mauvais face à Giscard dans le débat présidentiel de 1974 et aussi bon dans celui de 1981... Dans sa version théâtrale, Sylvain Maurice ajoutera un élément sonore encore plus éclairant. Pour ceux qui ne reconnaîtraient pas la voix mystérieuse de la "Guest star" qui éclaire la "7e fonction du langage", on leur donnera comme indice "Fête de la Musique" et "Allo, c'est Jack !"
Mais, finalement, à l'heure où la représentation s'achève, on pourra émettre une dernière hypothèse sur "la 7e fonction du langage : ne serait-elle pas un synonyme d'humour ou de franche rigolade ? |