C’était au printemps dernier, ce qui ne nous rajeunit pas, qu’Aldous Harding sortait son deuxième album. La Néo-Zélandaise avait débarqué comme un ouragan de douceur avec son premier album trois ans auparavant, touchant les cœurs de beaucoup grâce à son timbre pur, cristallin, parfois au bord de la rupture, et ses chansons envoûtantes, désarmantes de simplicité. J’avais moi-même été conquis et, voyant ce nouvel opus sortir, je n’avais pu m’empêcher de postuler pour en faire la chronique. Mais voilà, pour faire un bon album, il ne faut pas seulement un bon album mais aussi des oreilles prêtes à l’entendre.
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Pour être honnête, la première fois que j’ai appuyé sur le bouton "play", j’ai été déçu. Le premier titre me semblait attendu, et le second m’a donné envie d’aller écouter autre chose. La deuxième fois ne s’est pas passée mieux, et la troisième non plus. Mon cœur était au printemps et avait besoin de nouveauté, d’un bonheur direct, d’une fracassante sortie d’un hiver qui m’avait paru trop long.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais trop de gens de goût autour de moi me conseillaient d’y retourner.
J’ai attendu que les arbres laissent tomber leurs promesses d’un été qui ne cesserait de revenir, que le soleil retrouve sa belle timidité qui nous fait le désirer plus encore, que la pluie imprègne mon pull alors que je m’étais laissé surprendre par son arrivée. J’ai attendu que mon âme ait besoin de cette chaleur que l’on peut trouver au fond de la voix humaine, que mon corps cherche l’émotion plus douce, mystérieuse des contes de fées que l’on ne raconte que dans la pénombre dansante d’un feu de cheminée. J’ai attendu que la nuit gagne une nouvelle fois son combat sur l’évidente et écrasante lumière du jour, que l’insolente beauté des corps se drape pudiquement d’un voile brumeux. J’ai attendu pour enfin me replonger, presque craintif, dans les chansons à peine habillées d’Aldous Harding.
J’ai alors été assailli par l’étrange beauté de sa voix, touchante, prenant toutes les formes que l’esprit peut imaginer, telle une créature mythologique tentant à tout prix de ravir le cœur de l’homme. Je me suis abandonné, les yeux fermés, à cette sensation troublante qu’elle était peut-être juste à côté de moi, ne jouant que pour moi, murmurant à mon oreille, si près que je pouvais deviner les mouvements de sa langue, si près que j’entendais le frottement d’un bras sur le bois d’une guitare, si près que je pouvais percevoir le mouvement mécanique des marteaux du piano, si près que je n’osais plus ouvrir les yeux, craignant que le monde en ait profité pour s’effacer définitivement.
[] Stop
Non, je n’ai pas réellement appuyé sur ce bouton. J’ai laissé le disque repartir du début et je me suis noyé une nouvelle fois, trop heureux de ne plus avoir besoin de respirer pour vivre.
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
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