Plus besoin de garder le(s) secret(s). Ce festival est définitivement entré dans la cour des grands. Enfin des plus petits que les très grands mais qui n'ont rien à leur envier.
C'est d'abord une affiche, à l'éclectisme surprenant, aux choix épurés de toute tentative racoleuse. En réussissant à capter, parmi leurs rares dates estivales françaises, Maxïmo Park, Yann Tiersen, Electrelane et !!!, Les nuits secrètes prouvent que même une petite commune située dans le trou du cul du Nord de la France (euh, c'est une citation anonyme mais c'était dit sur le ton de la rigolade…) est capable, poussée par une équipe qui se démène, d'avoir son festival.
C'est ensuite, donc, une galère de routes départementales, communales, rurales… Ne se rend pas à Aulnoye-Aymeries qui veut, et pour s'y trouver il faut vouloir y aller…
C'est aussi une surprise. Ne pas payer, ou ne payer que 6 euros pour deux scènes. La "Grande scène" sur la place du village est en effet gratuite, le "Jardin secret", à 6 euros. Egalement, faire son chèque à l'ordre du Trésor Public. En effet, le festival est financé par la Région, et sous l'égide de la Communauté de communes de Maubeuge.
C'est enfin une vraie bonne ambiance, une foule diverse qui ne fait pas semblant de connaître pour faire bien, mais qui secoue la tête quand c'est bien…
C'est, j'allais oublier, un concept pour se détacher des autres, des secrets artistiques gardés bien au chaud qu'il faut découvrir en montant dans des bus, qui nous emmènent.. surprise !
Le samedi :
Ca commence donc avec des jolies choses, Yann Tiersen le premier soir. Certes, attendu sur ses airs connus, ses récents concerts plus rock déroutent un peu, mais au final, mélomane comme amateur y trouvent leur compte. C'est beau, c'est parfois puissant, c'est souvent prenant.
Ce même soir, les belges de Vive la fête avec leur électro-rock trashy avait mis le feu sur la Grande scène, sous les regards interloqués des passants traversant la place pour se rendre à la fête foraine…
Vêtue (ou dévêtue, c'est subjectif) avec son costume sexy, Els Pynoo a réchauffé les cœurs des nordistes peu habitués au temps diluvien qui s'abattait sur la région (ok, je relativise, " un peu" habitué). Avec son phrasé simple et simpliste, son accent flamand de belge qui ne parle pas un mot de français mais chante en français, elle nous a explique que le "Maquillage, c'est camouflage" , et que "Tous les jours des fêtes, oui c'est excentrique", elle qui clame haut et fort "Vive la fête, oui c'est héroïque".
Sur scène, on est fan, même si sur disque, le groupe musicalement emmené par Danny Mommens (accessoirement guitariste de dEUS…) pêche un peu. Les deux premiers disques étaient pourtant bons, Attaque Surprise et République populaire , avec leur électro-rock dynamique.
Et puis Maxïmo Park.
Jolie claque offerte gratuitement aux habitants et aux festivaliers. Paul Smith s'agite, et on comprend ce qu'il veut dire quand, répondant à nos questions, il souligne l'importance de la scène dans la réputation du groupe. Enchaînant la quasi-totalité des titres de A certain trigger , le groupe se fait plaisir. Nous aussi.
Au Jardin, la scène "payante" , on retrouve une programmation peut-être plus pointue, ce soir là electro-hip hop-reggae.
Avec Dj Vadim et ses acolytes de One Self (voir interview), et aussi Zenzile, le groupe electro-rock-dub d'Angers et Audiogame. La place est faite également aux talents made in Nord de la France, avec Numu (projet de l'excellent label lillois Waz, pour le Wazemmes, le quartie populaire).
La soirée se terminera au chaud, au sec, à La Bonaventure, transformation un peu trendy de la salle des fêtes municipale, avec les lillois de Dat Politics, des Dj, sur fond de video-jockeying..
Le dimanche :
Le dimanche, la Grande scène se veut plus world avec les attendus Mouss et Hakim, qui assurent un spectacle… qui font oublier la pluie ? S'agitant beaucoup sur scène, ils balancent leurs mots et parviennent à captiver le public.
Toots & the Maytals suivent, et ensuite Femi Kuti, le fils de Fellah, qui reprend l'héritage de son père en chantre de l'afro beat. On compte une quinzaine de personnes sur scène, dont un jeune ado multi instrumentiste. Ca fait un peu défilé de solos, du trompettiste au saxo, et je me mets devant la scène et je montre que je sais jouer de mon instrument, mais au final c'est un spectacle honnête et rythmé.
Au Jardin, la programmation se veut nettement plus rock, avec d'abord les lillois de The Domestics (notre interview) et leur rock garage puissant. Romain, torse nu, méprise les K-way sortis dans la foule, et se déshabille devant un public conquis.
Red, qui suit est accompagné d'une formation plus rock qu'à l'accoutumée, et en fermant les yeux, on se croirait replongé au bon vieux temps des concerts de 16 Horsepower. C'est réjouissant de savoir qu'avec Red, la France tient son morceau d'Amérique folk-rock.
Electrelane… Je ne sais pas trop quoi dire car c'est pour moi le meilleur concert du festival, de l'été… de ma vie ??? Bref, difficile d'être objectif quand on est un garçon devant quatre anglaises posées, un brin gentillette, mais à la musique sournoise, coquine et violente. On n'ose pas s'agiter devant leur jeu scénique épuré, et pourtant les ritournelles de l'album Axes sont de vraies bombes en puissance. Electrelane, veux-tu m'épouser ?
Enfin, !!! (Tchik Tchik Thick) débarque son rock saccadé, son bordel scénique plus ou moins convaincant selon les morceaux. !!! se présente comme un bon groupe de scène, parfois proche du rock de The Rapture, et d'autres avec des envolées plus instrumentales à la Black Dice.
Le lundi :
Le dernier jour, un 15 août où le barbecue est resté au garage, le bob ricard au placard, le K-way sur les épaules, on surprend les allemands du Mardi Gras Brass Band en train de reconstituer Preservation hall (à la Nouvelle Orléans) les jours de carnaval. Pas si mal.
Puis les roots de Gladiators font danser les rastamen avant que la scène ne soit investie par le funk un peu moisi de Sinclair, qui a pris de l'âge… Il lui manque un peu de spontanéité…
Côté Jardin, si vous voulez bien me suivre, le rock plus métal a investi la scène. Je n'ai vu que les anglais de Tribute To Nothing, qui ferait mieux d'apprendre à jouer de leur instrument avant de les agiter dans tous les sens… Qui a dit qu'un peu de technique pervertissait le rock dur ? Certainement pas Slash ni Steve Vaï…
Les Nuits secrètes ont cette années déployé beaucoup d'énergie dans leurs parcours secret. Il fallait réservé un créneau horaire et une trentaine de personne vous accompagnait dans un périple artistique souvent décalé. Prendre un bus aux vitres teintées, et débarquer autour d'un brunch, dans une salle de spectacle. Concept intéressant… mais cependant un peu long et du coup le risque était majeur de manquer la programmation musicale.
Autre invitée de prestige, la compagnie Pietragalla, venue présenter son spectacle de danse tsigane Ivresse, allégorie de la musique salvatrice contre la mélancolie de l'homme seul.
Le festival est une réussite, tant au niveau de la programmation et de l'organisation, qu'au niveau de la fréquentation (La Voix du Nord annonce près de 30 000 personnes sur les trois jours, je me permets de remettre en doute les chiffres, craignant des doublons). Cependant, il est réjouissant de voire des espace investie par une "autre culture" être rapidement remplie par un public pas forcément connaisseur mais avide de découverte, dans des espaces géographique souvent injustement méprisés par l'urbain qui veut trop facilement en faire des espace culturellement vides.
Bon vent au festival. L'an prochain, je veux The Cure. Non c'est déjà fait cette année par d'autres. Allez, Morrissey à Aulnoy-Aymeries…
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