Comédie dramatique de Carole Fréchette, mise en scène de Félicie Artaud, Gilbert Desvaux et Dag Jeanneret, avec Mama Prassinos et Julien Lecannellier.
La Québécoise Carole Fréchette a écrit "La Peau d’Elisa" il y a une vingtaine d’années. En s’appropriant à son tour ce texte, Mama Prassinos prouve d’emblée qu’il n’a pas vieilli et, qu’au contraire, il appartient désormais au cercle très fermé des monologues intemporels.
Assise sur un banc, c’est une femme mal assurée, timide, complexée, qui lance un appel vibrant à l’amour, à l’amitié, à tout ce qui peut vaincre le fort sentiment de solitude qui l’enveloppe, qui la dévore, qui la mange littéralement.
Ni jeune ni vieille, elle a l’angoisse énigmatique, une angoisse qu’elle sait retranscrire sans la diffuser dans un public très vite empathique. Fort en moments émouvants, ne connaissant aucun temps faible, pratiquant souvent les ruptures de ton, "La Peau d’Elisa" pourrait donner à son interprète la tentation et l’occasion de cabotiner, de fournir à bon compte un sacré "numéro d’actrice".
Avec son petit côté "Zouc", Mama Prassinos s’y refuse. Au contraire, elle sait mettre une distance entre son rôle et elle-même. Elle ne manipule jamais le public alors que la pièce pourrait le lui permettre puisqu’elle contient la possibilité d’interpeller les spectateurs, de leur poser des questions. Mama Prassinos sait les esquiver presque en s’excusant.
Même si Carole Fréchette pénètre au plus profond de son âme, on ne ressent aucun gêne à partager cette confession d’une femme solitaire, car on sent, paradoxalement, qu’elle n’est pas coutumière d’une telle exposition, qu’elle est devant un miroir qui va lui renvoyer une solution grâce à la capacité qu’elle a eu enfin d’oser s’exposer.
Il faut dire qu’un jeune homme (Julien Lecannellier) partage quelque temps son banc, laissant à penser que sa situation n’est pas définitive. D’autant que Mama Prassinos s’est entourée de "regards" amis, ceux de Félicie Artaud, Gilbert Desveaux et Dag Jeanneret, pour faire de ce beau texte autre chose qu’une plainte.
Car, au bout du compte, on a la conviction qu’il ne faudrait pas grand-chose pour que ce mal de vivre s’estompe. Un bruit nourri d’applaudissements, peut-être. |