Drame de Victor Hugp, mise en scène de Vincent Caire, avec Franck Cadoux, Vincent Caire (ou Alexandre Tourneur), Gaël Colin, Damien Coden, Cédric Miele, Aurélie Babled et Karine Tabet.
D'abord on louera l'ingéniosité de la mise en scène de Vincent Caire, qui, avec seulement 7 comédiens et un élément de décor central transformable en meuble riche en victuailles, en salle du trône, en pièce avec fenêtre, réussit à monter l'oeuvre "monumentale" de Victor Hugo, une oeuvre à la distribution pléthorique et nécessitant normalement plusieurs décors différents.
Pareillement, grâce à des comédiens expérimentés, le drame romantique hugolien, avec son emphase, ses morceaux de bravoure grandiloquents, ses vers parfois à la limite du parodique, passe très bien et ne suscite que quelques rires intempestifs lors de son dénouement grand-guignolesque.
En plus, Vincent Caire a su donner du rythme à une œuvre qui peut être languissante selon que l'on respecte scrupuleusement l'alexandrin pour qu'il soit parfaitement entendu, ou que l'on donne le droit aux acteurs de l'interpréter au pas de course, sans craindre de le "savonner" quelquefois.
Jouer "Ruy Blas" en deux heures, montre en main, en en respectant l'esprit est une gageure : la petite troupe tient le pari.
Sans doute reste-t-il un problème inhérent à la pièce plus qu'au travail de Vincent Caire : faut-il aller du côté de Don César de Bazan (ici joué en alternance par Vincent Caire et Gaël Colin), c'est-à-dire de la fantaisie, une fantaisie qui annonce déjà Cyrano, ou faut-il faire triompher le côté plus terne, plus "réaliste", de Ruy Blas (Damien Coden) avec son amour quand même bien plombant pour la reine d'Espagne (Karine Tabet) et sa difficulté à sortir de sa condition sociale ?
Sans compter qu'entre les deux, il y a le "méchant" Don Salluste (Franck Cadoux) et que c'est difficile pour lui de savoir sur quel registre jouer : doit-il être dans l'excès, à l'image de Louis de Funès qui interprétait le personnage dans "La Folie des Grandeurs", ou prendre vraiment au sérieux cette caricature de traître de cape et d'épée ?
Au fil des représentations, il n'est pas possible que Vincent Caire réussisse à maintenir l'équilibre entre les deux versions possibles. Il paraît inévitable qu'aujourd'hui que le théâtre de Victor Hugo ait perdu de sa superbe, qu'on ne le joue plus que dans des versions élaguées, c'est vers Rostand et Dumas qu'il faut faire pencher la balance.
On sent nettement la tentation car les autres personnages de ce "Ruy Blas" (Cédric Miele, Alexandre Tourneur, Aurélie Babled) ne cessent de se grimer en duègnes, en alguazils, en pages et se permettent des petits gags qui n'aident pas à prendre totalement au sérieux cette grande fresque dans l'Espagne post-Philippe II.
Pour y parvenir, il faudra peut-être que Damien Coden joue plus à l'unisson de ses partenaires et ne conçoit pas son Ruy Blas avec autant d'austérité.
Quoi qu'il en soit, ceux qui n'ont jamais vu "Ruy Blas" s'en feront une idée assez juste et les autres trouveront que la version de Vincent Caire, si elle manque d'un peu de sel, n'en est pas moins estimable. |