Comédie d'après l'oeuvre éponyme de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Ned Grujic, avec Thomas Marceul (ou Cédric Revollon), Julia Piquet (ou Léa Dubreucq), Rémy Rutovic et Antoine Thiéry.
Quatre acteurs, un décor composé de quelques maquettes rouges de ponts vénitiens, trois aquariums contenant de l'eau, un spectacle qui ne durera que le temps d'un acte de la pièce originelle de Shakespeare, voilà les contraintes que Ned Grujic s'est créé pour monter son "Marchand de Venise".
Ce pari fou peut-il est tenu sans atteindre à l'intégrité de la célèbre œuvre du plus grand tragédien élisabéthain ? Car, dans cette version, il a fallu forcément supprimer des personnages, les condenser ou les redessiner.
Ainsi la seule femme de l'histoire revue par Ned Grujic est Portia, qui cumule le personnage éponyme et celui de Jessica, la fille de Shylock le marchand étranger qui s'oppose dans un duel à mort, au sens presque premier du terme, à Antonio, le dit Marchand de Venise.
Ici, les choses sont représentées très schématiquement, à l'instar des canaux de Venise ou de ses bains, évoqués par une main qui clapote dans un des aquariums ou par le déplacement d'un des ponts rappelant ceux de l'illustre cité.
Nonobstant cette miniaturisation de l'oeuvre de Shakespeare, la réduction de son intrigue chantournée en un duel frontal entre deux marchands que tout oppose, à commencer par la religion, Thomas Marceul, Julia Piquet, Rémy Rutovic et Antoine Théry s'activent avec la conviction qu'ils sont en train de jouer un spectacle qui dépassera l'heure du dernier métro.
Sans doute, sont-ils aidés par le parti-pris principal de Ned Grujic qui a été de rendre claire la situation. En effet, certains considèrent que Shakespeare a dessiné un portrait psychologique et moral de Shylock qui correspond souvent aux stéréotypes antisémites les plus éculés.
D'autres, au contraire, s'appuyant sur la célèbre tirade "Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez, ne mourrons-nous pas ?...", voient en Shakespeare un des premiers "antiracistes" modernes.
Ned Grujic propose une solution, qu'on ne dévoilera pas, mais qui ne fait pas de Shylock le grand perdant habituel de la pièce.
Comme toujours, on se souvient par exemple du "Petit Poilu illustré", Ned Grujic construit méticuleusement, et avec beaucoup d'astuce, un univers qui ne souffre pas de la modestie du projet.
Au contraire, on oubliera vite qu'on est face à un quatuor dans un décor épuré et l'on ressentira, si l'on n'est pas choqué par la résolution de la pièce, le souffle shakespearien passer dans cette version minimale.
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