Réalisé par Annemarie Jacir. Palestine. Drame. 1h36 (Sortie le 14 février 2018). Avec Mohammad Bakri, Saleh Bakri, Maria Zreik et Rana Alamudin Karam.
Palestinien vivant à Rome, où il est architecte, Shadi revient à Nazareth pour le mariage de sa sœur.
Son père, Abu Shadi, est un enseignant et divorcé. Ils sont comme chien et chat, le père n'admettant pas que son fils ait quitté sa terre natale, imitant ainsi sa mère qu'ii vit elle aussi loin de la Palestine et dont la venue pour le mariage de sa fille n'est pas acquise.
Pour respecter la tradition, le père, accompagné de Shadi, va rendre visite aux invités au mariage pour leur donner leur carton d'invitation. C'est la coutume du wajib. Il faut préciser que l'on est dans une famille chrétienne et que le mariage va se dérouler aux alentours de Noël.
Avec un sujet pareil, "Wajib" d'Annemarie Jacir tranche avec bien des films palestiniens. D'abord, on n'est pas dans un milieu "pauvre", mais parmi une bourgeoisie palestinienne, de surcroît chrétienne dans la ville où est né Jésus.
Ni vu ni connu, en parcourant Nazareth, en pénétrant chez des Palestiniens de différents milieux, en découvrant leur environnement, les embrouilles des uns et des autres, les poubelles non ramassées, les automobilistes indisciplinés, on en apprendra plus que dans un reportage sociologique sur ce qu'être Palestinien veut dire, même si on appartient à la classe qui pourrait dominer si le pays n'était pas occupé.
"Wajib" d'Annemarie Jacir explore la relation fils-père, décrit pas à pas comment leur dialogue va ou non se renouer avec pour arrière-plan le contexte que l'on sait. Pour pimenter ce combat pacifique, la réalisatrice a pris pour jouer le père et le fils, Mohammad et Saleh Bakri, eux-mêmes père et fils et accessoirement peut-être les acteurs palestiniens les plus célèbres, que l'on a pu voir l'un et l'autre dans des productions internationales.
On n'a donc pas à se forcer pour croire que l'on assiste presque à un documentaire décrivant deux "vrais" palestiniens distribuant leurs cartons de mariage. Plein d'humanité, le film d'Annemarie Jacir aura l'avantage de montrer à ceux qui imaginent les Palestiniens comme de la graine de terroristes, tous haineux et nourris dans une culture de mort, qu'ils sont à l'image de leurs voisins qui les diabolisent.
"Wajib" d'Annemarie Jacir est un film qu'il faudrait montrer aux Israéliens de bonne volonté pour qu'ils comprennent ce que ressentent leurs voisins humiliés, mais néanmoins bouillonnant de vie. Certes, le film montre, par l'exemple de Shadi, que l'élite palestinienne est désormais devenue une diaspora désabusée pour ne avoir resté sur place et rejoindre la cohorte des citoyens désespérés.
Il faut méditer sur ce que dit ce beau film qui n'élève jamais la voix, mais dit bien des choses avec un calme méridional et bon enfant. "Wajib" d'Annemarie Jacir est une œuvre d'une intelligence rare, un film qui se refuse à la haine et rêve d'une vie meilleure pour des gens qui mériteraient un sort meilleur que celui que leur destine l'inertie de la communauté internationale.
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