Réalisé par Raja Amari. France/Tunisie. Drame. 1h326 (Sortie le 21 février 2018). Avec Hiam Abbass, Sara Hanachi, Salim Kechiouche, Marc Brunet et Majd Mastoura.
Après "Satin rouge", la réalisatrice tunisienne Raja Amari continue à raconter le sort de la femme arabe.
Cette fois, le film est vu principalement du point de vue de Samia, jeune femme qui vient d'échapper à la noyade en traversant clandestinement la Méditerranée pour rejoindre la France.
On la retrouve "saine et sauve" à Lyon où elle se réfugie chez Imed, un garçon de son village et ami de son frère. Mais c'est en répondant à une petite annonce de Leila, "jeune" veuve franco-tunisienne, que son sort bascule (favorablement).
Dans "Corps étranger" de Raja Amari, le manichéisme est de rigueur : les hommes arabes sont tous islamistes, l'ont été ou le seront... selon les femmes qui les craignent, et particulièrement Samia, qui porte sur elle et en elle les traces de la violence physique d'un frère qu'elle aime pourtant...
Face aux hommes machos et jaloux, les femmes sont donc courageuses et débrouillardes, solidaires et poussées sexuellement irrésistiblement les unes vers les autres. Raja Amari est-elle vraiment tout à fait en phase avec un personnage comme Samia qui voit en Imed une réplique de son frère, un islamiste déguisé en bistrotier ? Est-ce un fantasme personnel que ce tropisme lesbien ?
La doxa dominante veut qu'il faille dénoncer à la police les méchants djihadistes cachés en sans papiers, mais est-ce si simple que le pense Samia ? N'est-elle pas victime d'une compréhensible parano vu ce qu'elle a vécu ?
Beaucoup de questions dans ce film qui repose sur un trio d'acteurs de grande qualité. Hiam Abbas n'est pas une découverte mais elle entraîne dans son sillage les deux jeunes comédiens tunisiens, à commencer par Sarra Hannachi à la sensualité écorchée par des désirs paradoxaux.
Est-elle amoureuse de son presque frère ou de cette femme qu'elle pourrait être dans vingt ou trente ans ? Entre inceste et homosexualité, sa sexualité semble impossible et contradictoire.
Quant à Salim Kechiouche, homme doux, scrutateur et renfermé, ses accès de violence en font la victime idéale pour cristalliser les haines féminines. Joue-t-il double jeu, lui qui aurait pu comme le frère de Samia partir en Syrie, ou est-il un clandestin perdu dans Lyon ?
"Corps étranger" de Raja Amari est une œuvre de bonne facture, plus complexe qu'il n'y paraît et qui sait manoeuvrer dans un scénario où l'on retrouve beaucoup de thématiques quasi obsessionnelles de Jacques Fieschi, qu'il s'agisse des liens familiaux ou des comportements sexuels.
A signaler dans ce film qui s'achève sur "Alger, Alger" de Lili Boniche, la présence de Majd Mastoura, le comédien magnifique d'un autre film important de la petite "nouvelle vague" tunisienne, "Hedi" de Mohamed Ben Attia. |