Comédie dramatique d'après le roman éponyme de Jospeh Andras, mise en scène de Fabrice Henry, avec François Copin, Clémentine Haro, Vincent Pouderoux et Thomas Resendes.
A l'origine, "De nos frères blessés" est un roman de Joseph Andras, paru chez Actes Sud, Goncourt du premier roman en 2016.
Comme "Meursault contre enquête" de Kamel Daoud, lui aussi Goncourt du premier roman l'année précédente et lui aussi paru chez Actes Sud, le livre de Joseph Andras revient sur la Guerre d'Algérie.
Cette fois-ci du côté des pieds-noirs, mais un pied-noir bien particulier puisqu'il s'agit d'un ouvrier communiste favorable à la cause indépendantiste au point de vouloir faire sauter une bombe dans son usine.
Une bombe, précise bien l'auteur et son adaptateur théâtral Fabrice Henry, destinée à ne pas faire de victimes puisque le jeune homme qui la fabrique, Fernand Iveton, prévoit de la disposer dans un placard et de la faire exploser à une heure où personne ne sera présent sur les lieux.
Mais il est dénoncé avant même de mettre sa bombe en état de marche. Arrêté, torturé, il est finalement guillotiné, appartenant à ce groupe de 38 militants algériens de toutes origines qui ne trouvèrent pas un avocat en François Mitterrand, ministre de l'intérieur, mais un procureur qui "conseilla" à René Coty, président de la République, de ne pas pas user de son droit de grâce.
Dans la version théâtrale de "De nos frères blessés", le nom de Mitterrand n'est prononcé qu'une fois, en catimini, et comme le texte, la pièce, est très favorable à l'accusé, en relevant constamment que sa tentative avortée ne devait pas faire de victimes. Sans doute Joseph Andras et Fabrice Henry ont-ils oublié qu'en droit français "l'intention vaut l'action" quel que soit le régime en place...
On acceptera donc ce biais idéologique et l'on jugera le dispositif mis en place par Fabrice Henry. Un dispositif "citoyen" où l'acteur-narrateur (Thomas Resendes) parle au public, l'interpelle, et, à l'instar des autres comédiens, va et vient dans la salle. La scène, elle, n'a pour décor que quelques chaises que viendront, dans la scène finale, occuper des spectateurs concernés, convaincus, devenus au fil du déroulement du texte des soutiens post-mortem de Fernand Iveton.
Car sa parole est portée chaleureusement par les quatre protagonistes. Si l'on n'a pas lu le roman de Joseph Andras, il sera difficile d'apprécier comment est adapté son contenu. Car ici, pas vraiment de dialogues, mais un constant récitatif d'un texte qui paraît si écrit qu'on a l'impression d'assister à la lecture du roman dans son entier. Un texte précis, clinique, qui raconte par le détail ce qu'il est advenu et qui est simplement ponctué des monologues plus ou moins long des personnages.
Ce dispositif est efficace et François Copin, Clémentine Haro, Vincent Pouderoux et Thomas Resendes savent rendre respectable la cause défendue par Fernand Iveton. Ils distillent même une vraie émotion à mesure que la guillotine se rapproche du cou du jeune homme.
On pourra cependant reprocher au texte de ne pas tenir vraiment compte de la complexité de l'époque. C'est plus facile aujourd'hui de raconter les "événements d'Algérie" quand on connaît le sens qu'a pris l'Histoire et que, certainement, elle devait de toute façon prendre.
Ce manichéisme ne nuit pas à l'intérêt du travail de Fabrice Henry qui aurait sans doute jadis monté les pièces existentialistes de Gabriel Marcel, aimé les grandes causes défendues dans les films de Constantin Costa-Gavras et admiré les spectacles participatifs de Robert Hossein. |