Comédie dramatique écrite et mise en scène par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne, avec Hiran Abeysekera, Ery Nzaramba, Omar Silva, Kalieaswari Srinivasan et Donald Sumpter.
Pièce très minimaliste, "The Prisoner" de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne, pourrait se résumer à son titre, en précisant que le prisonnier, même s'il fait face à une "vraie" prison, est avant tout un prisonnier intérieur qui expie un crime qu'il ne se pardonne pas alors que son action répond à une transgression et peut légitimement se comprendre...
Il ne faut pas en dire plus car jamais Peter Brook n'a autant travaillé dans l'indicible, à la limite de l'imperceptible. Quand on découvre la scène, on est frappé par la parcimonie des "éléments scéniques" disposés par David Violi : quelques reliefs de végétation désertique donnent l'impression que les personnages se meuvent dans une œuvre conçue par un tenant de l'"arte povera"
Parcours initiatique particulièrement approprié dans ce lieu chargé d'indianité, à commencer par les réminiscences du "Mahabharata", "The Prisoner" n'est pas une œuvre où la parole coule à flots, où les échanges fusent. Non, chaque mouvement, chaque regard a un sens et l'on va inexorablement vers la résolution attendue.
Anachorète en pleine expiation, Hiran Abeysekera est un personnage qui n'abuse ni des mots et des mimiques. Ses gestes sont simples et sont comptés : allumer un feu, se nourrir, fixer ce qu'il a devant les yeux depuis qu'il a décidé de les fixer.
Tout se joue dans de subtiles variations de la lumière et l'apport de Philippe Vialatte à la mise en scène de Peter Brook et de Marie-Hélène Estienne est capital.
"The Prisoner" est un texte qui garde constamment son mystère. Il envoûtera ceux qui y verront les prémisses d'un récit épique, quelque chose qui pourrait être la graine qui, en germant, mettra en branle une épopée
On pourra aussi, à l'inverse, y voir une métaphore d'un retour d'un Ulysse ayant accompli son périple et devant méditer encore quelques années ou quelques décennies avant de reprendre le cours "normal" de son existence.
"The Prisoner" de Peter Brook et Marie-Hélène Estienne est une œuvre accomplie qui défie la temporalité théâtrale. Elle pourrait durer une seconde ou un siècle. Qu'importe : elle s'est inscrite à jamais dans la mémoire de ceux qui s'y seront plongés cœur et âme. |