Spectacle conçu d'après le Journal de Virginia Woolf, adaptation et mise en scène de Isabelle Lafon, avec Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon et Marie Piemontese. Un décor vide avec seulement trois tabourets et de nombreux tas de feuilles de papier empilées çà et là. Trois femmes s'activent pour les trier, se saisissant de quelques pages et commençant à lire des bouts de textes datés.
Une fois à peu près reconstituée la continuité temporelle, elles viennent s'assoir sur leurs ascétiques sièges.Va pouvoir alors commencer le "Festival Virginia Woolf", c'est-à-dire une belle heure à l'intérieur du "Journal" de la grande romancière anglaise, une des novatrices du roman anglo-saxon moderne.
Mais son "Journal" est tout autre chose. De 1915 à 1941, date de son suicide, il est sa respiration, sa fantaisie, sa température. On y lit ses hauts et ses bas, mais surtout la grande liberté, la grande désinvolture qu'elle a avec elle-même.
Dans la mise en scène d'Isabelle Lafon, on ressent cette âme en fusion qui est prise entre sa vie et ce qu'elle veut en dire ou en retenir. La lecture ici n'est pas docte. Les trois comédiennes peuvent aller jusqu'à lire dans un désordre (qu'on suppose, en fait, bien ordonné).
Elles ponctuent leurs extraits de petits commentaires, peuvent lire une ligne, puis interpréter un large morceau. Johanne Korthals Altes, Isabelle Lafon et Marie Piemontese, habillées bohèmes 1930, parfois pieds nus, parfois tombant la veste, ne sont pas rivées à leurs chaises. Elles ne sont pas non plus dans des déplacements frénétiques.
Concentrées, on les sent tout le temps plongées véritablement dans l'oeuvre woolfienne. On y entend des noms qui deviennent familiers. Celui de Leonard, le mari de Virginia, celui de Vanessa, sa sœur, de Vita, l'amie-amante, ceux de Lytton, de Desmond, les compagnons des tables rondes de Bloomsbury...
Sans avoir besoin de tout comprendre, le spectateur pénètre un univers qu'il ne tiendra à lui d'aller hanter sans ses tutrices à la sortie de "Let me try". Il n'y manquera certainement pas car l'une des qualités essentielles de l'adaptation d'Isabelle Lafon et du travail de ses deux camarades est de donner envie de se plonger ou de se replonger dans ce "Journal".
En le rendant limpide, en le servant avec empathie et sans didactisme exagéré, le trio a trouvé la forme idéale pour le présenter. Un spectacle qui sait à la fois être simple et subtil et qui restera dans les mémoires.
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