Retour 2 mois en arrière,
le soir de la fête de la musique 2005 à Brest. Rencontre
avec deux jeunes groupes, Neth et All Angels
Gone, dont la réputation ne cesse de croître.
Interview détendue et regards lucides sur la musique en
compagnie de Florian (Neth), Franck et
Julien (All Angels Gone) et du "patron" Rachid
(One Hot Record).
En cette soirée de fête de la musique,
on va revenir sur le commencement, la genèse des groupes.
Florian (Neth) : Neth existe depuis 1998. Le groupe
s’est formé en plusieurs strates, en plusieurs fois.
Il y a eu beaucoup de mouvements de personnel. On eu des chanteuses,
d’autres guitaristes. Et là, on arrive à une
formation stable à cinq depuis 2 ans maintenant. On a sorti
en 2003 un maxi 6 titres qui s’appelle "Inside",
sortie chez One Hot Record. Là, on va enregistrer de nouveaux
titres cet été en studio pour démarcher un
peu.
Vous êtes un groupe à géométrie variable
?
Florian (Neth) : Ouais, on joue tous dans le groupe
de plusieurs instruments, donc on passe d’un poste à
l’autre. Moi, je chante, je joue du clavier et je joue un
peu de percus. On a un guitariste qui joue des percus aussi, un
guitariste qui joue du clavier… Voilà.
On va maintenant laisser la main à Franck
d’All Angels Gone. Vous êtes plus nombreux dans le groupe
?
Franck (All Angels Gone) : Chez All Angels Gone,
on est huit. C’est un groupe formé en 2001. Pareil,
il y a eu pas mal d’évolutions sur à peu près
une année pour rassembler les membres du groupe. Ça
a commencé au début avec deux personnes, puis trois,
puis quatre etc. On est arrivé à 8. C’est une
formation un peu spéciale car il y a deux violoncelles, un
piano, une basse, une batterie, trois guitares, deux chants et il
y a aussi des machines, un xylophone… On fait de plusieurs
instruments chacun.
On tourne depuis 2002 à peu près,
on a fait une vingtaine de concerts depuis cette date. On a pu sortir
un disque qui s’appelle "Quietly", qui est sorti
sur le label de Neth, One Hot Record. One Hot Record nous a permis
de sortir un disque, ils ont assuré toute la production.
Ça fait deux mois que le disque est sorti (avril 2005) et
maintenant on fait la promo du disque. On essaie de se débrouiller
pour avoir de plus en plus d’importance.
Justement concernant One Hot Record, Rachid peux-tu
nous parler de la naissance du label. C’est lié à
Neth, je crois ?
Rachid (One Hot Records) : C’est très
lié à Neth. Mais en fait c’est une décision
qui a été un petit peu mélangée. On
est parti de Neth. On a produit un premier disque par nos propres
moyens par le biais de l’association Neth. Ce travail de production,
on s’est rendu compte que c’était intéressant.
On a acquis pas mal d’expérience. On a fait de erreurs
et on a appris beaucoup aussi. On a rencontré les All Angels
Gone. On a été voir des concerts et on a beaucoup
aimé leur musique. On leur a proposé en fait de produire
leur disque.
On a financé la production, trouver des
gens pour produire le disque techniquement…C’est à
partir de là que c’est vraiment construit One Hot Record.
C’est juste un peu avant la production du disque d’All
Angels Gone. Le label s’est formé et depuis on a donc
les deux groupes qui sont produits par le label. Et on est parti
pour faire une collection qui pourrait attirer d’autres artistes.
On ferait des cds en édition limitée, en petite série,
et donc les artistes qui n’auraient pas nécessairement
les moyens de faire des disques et qui voudraient le faire, pourraient
travailler avec nous.
Ca n’a pas l’air évident, dans
le contexte musical actuel, pour deux groupes français à
l’univers particulier et pour un label qui privilégie
le pop/rock et la langue anglaise. Question très basique
: comment vous vous débrouillez ?
Florian (Neth) : On ne se débrouille
pas.
Franck (All Angels Gone) : C’est super dur.
Florian (Neth) : C’est super dur, ouais.
Franck (All Angels Gone) : Dans les radios, il
y a des quotas pour les chansons françaises et quand on chante
en anglais et qu’on est un groupe français pas connu,
forcément on ne rentre pas dans le cadre des chansons françaises.
Dans les quotas, ils préfèrent passer les gros titres.
Donc pour passer dans les radios, c’est très difficile.
Surtout que les deux groupes ont des formats assez difficiles pour
la radio. Des chansons très longues. Notre morceau le plus
court doit faire dans les 6 minutes. Donc passer à la radio,
ce n’est pas forcément évident à moins
de faire des éditions spéciales, mais on n’est
pas trop pour.
Pour l’instant au niveau des radios, on ne
fait pas trop de compromis. On essaie plutôt de se développer
en concert. On a besoin de plus d’expérience en concert
pour l’instant que de développer vraiment l’aspect
commercial. On fait ça dans un but de découvrir le
milieu et de se faire plaisir.
La presse nous matraque pas mal à coup
de nouvelle scène française. Vous êtes à
mille lieux de ça…
Florian (Neth) : Ouais, à mille au moins…
Je parle au nom de Neth en tout cas, mais c’est quelque chose
qui ne nous parle pas vraiment. Tout
ce qui est nouvelle scène rock français, nouvelle
chanson française…
Franck (All Angels Gone) : Ouais, je suis assez
d’accord.
Florian (Neth) : C’est une scène qui
a beaucoup de public, beaucoup de moyens derrière, qui a
beaucoup de communication autour, donc ça marche bien. Pour
des groupes qui ne tombent pas là-dedans, c’est vraiment
beaucoup plus compliqué de s’imposer. Ne serait-ce
que faire tourner le nom et que les gens connaissent un peu la musique,
c’est… On se débrouille en tournant avec des
associations qui organisent des concerts, des salles de musiques
actuelles qui sont assez développées dans notre département,
mais ça reste quand même assez difficile de bouger.
Venir ici (à Brest), ça reste une pure expérience…
Vos références sont purement tintées
pop-rock anglo-saxonne mais vous les assimilez à votre sauce.
Florian (Neth) : Toutes le influences qu’on
peut avoir, on les a un petit peu digérées aujourd’hui.
Maintenant, on joue ensemble depuis tellement de temps qu’on
se connaît bien. Ça nous permet d’improviser
pendant les concerts, ça nous permet de construire nos morceaux
à partir de l’improvisation et de vraiment communiquer
par la musique. Je pense que c’est quelque chose d’assez
personnel ce qu’on fait maintenant.
All Angels Gone est un groupe beaucoup
plus récent mais on sent une maturité sur l’album
qui est vraiment impressionnante.
Franck (All Angels Gone) : Merci, ça fait
toujours plaisir d’entendre ça. La maturité
sur l’album s’entend beaucoup aussi parce qu’on
a bossé avec des gens qui aiment beaucoup ce qu’on
fait et qui nous ont donné des moyens. On a mis un an à
peu près pour sortir le disque. On a fait plein d’enregistrements
à droite à gauche. Du coup, on a vraiment pris le
temps de se poser, de réfléchir un peu à ce
qu’on voulait faire. Au début, on était parti
sur un album très live avec très peu de traitement.
Finalement, on s’est aperçu qu’on préférait
plus de qualité, du coup on a repris du temps pour enregistrer.
On a passé pas mal de temps sur la production et résultat,
on se retrouve avec un CD qui est très bien produit.
Chaque groupe a un univers musical et sonore qui
lui est propre.
Florian (Neth) : Pour nous, pour All Angels aussi
je suppose, ça nous a paru assez évident de vraiment
développer un son particulier, quelque chose qui a du corps
et une âme en même temps, pour pouvoir embarquer les
gens qui viennent écouter. Je
pense qu’il faut savoir dresser le décor et bien planter
les atmosphères pour que les gens puissent trouver quelque
chose qu’ils ne trouvent pas forcément dans la majorité
de la production.
Franck (All Angels Gone) : Nous, on considère
la voix comme un instrument, donc les textes n’ont pas spécialement
d’importance. C’est plutôt pour planter une atmosphère,
donc on se concentre presque là-dessus. Ça permet
vraiment, je ne vais pas dire d’ajouter un instrument en plus,
mais ça permet d’amener encore autre chose. On n’est
pas un groupe à texte, loin de là. On est plutôt
là pour planter une atmosphère.
Florian (Neth) : Pour revenir à Neth, on
n’accorde pas non plus beaucoup d’importance aux textes
à la base. On partait aussi de l’idée d’utiliser
la voix comme un instrument. L’intérêt pour nous
des textes, c’est qu’ils puissent avoir plusieurs sens,
être interprétés différemment d’une
personne à l’autre. On écrit des textes pour
coller à des mélodies.
Julien (All Angels Gone) : Les morceaux, on les
a écrits pour la scène au départ. On ne voulait
pas faire de première scène sans avoir de morceaux
bétons. Du coup, on a vraiment travaillé les morceaux
pour pouvoir faire de la scène. Ce n’est qu’après
qu’on les a enregistrés et mis sur disque. Du coup,
je pense que les morceaux trouvent plus de sens sur scène
que sur le disque lui-même.
Votre univers premier c’est donc la scène
?
Julien (All Angels Gone) : Je pense ouais que c’est
la scène. De toute façon, je pense qu’on préfère
être sur scène qu’en studio. En tout cas, c’est
mon cas.
Le passage en studio a-t-il été
délicat?
Florian (Neth) : C’est quand même un
plaisir de graver sa galette mais c’est vrai que c’est
un travail carrément différent de la scène.
Il y a vraiment d’un côté le groupe live qui
aime être sur scène, jouer avec ça et donner
de l’énergie pendant ses concerts. De l’autre
côté en studio, il y a un autre travail qui est fait,
qui est plus un travail en détail sur le son, la musique,
retravailler les morceaux pour les enregistrer.
Nous, on conçoit les morceaux à
la base pour la scène et pas pour les enregistrements. Quand
arrive le temps de l’enregistrement, il faut forcément
repenser ses morceaux, prendre du recul par rapport à ce
qu’on a déjà fait et se remettre un petit peu
en question aussi par rapport à ce qu’on a l’habitude
de faire tous les jours. Les deux sont supers intéressants
mais je passerais plus volontiers six mois sur scène que
six mois en studio.
Franck (All Angels Gone) : Pareil pour nous. L’expérience
du studio a été pour nous assez difficile. On n’a
pas vraiment fait un travail de pré-production avant l’enregistrement
du disque. On a eu pas mal de problèmes techniques. Ça
a été une épreuve assez difficile.
Julien (All Angels Gone) : On manquait de spontanéité.
Le problème du studio, c’est que ça tue la spontanéité.
On a eu ce problème là. Je pense qu’on ne l’a
pas sur scène où tu peux être plus spontané.
La spontanéité c’est vachement intéressant
en musique. En plus, ça a figé les morceaux qui peuvent
continuer à bouger après. C’est une photographie
à un moment M, après sur scène, ça peut
continuer à se développer mais sur disque ce sera
toujours comme ça. C’est ça le problème
du studio.
Neth de votre côté, vous vous êtes
dit qu’il était temps de poser les morceaux, non ?
Florian (Neth) : Il fallait le faire car c’étaient
des morceaux qu’on traînait depuis très longtemps
et qu’on avait modifiés des dizaines de fois en concert.
On a joué des tas de versions différentes des mêmes
morceaux. On les a vraiment poussés à bout, tournés
un peu dans tous les sens. C’est vrai qu’on s’est
dit qu’il fallait passer à autre chose, qu’on
évolue, qu’on garde pour la mémoire tout ce
qu’on avait fait avant et qu’on les digère un
peu, qu’on aille vers des terrains qu’on connaissait
moins.
La rencontre avec All Angels Gone nous a beaucoup
poussé à ça aussi. Ils faisaient de la musique
différemment de nous. Ils sont arrivés au moment où
on commençait à s’intéresser à
l’improvisation. Ils jouent à huit. Ils font une musique
très atmosphérique et c’est quelque chose qu’on
aimait déjà bien. Le fait de les avoir rencontrés,
nous a poussé à aller plus dans cette direction, tout
en gardant le passif qu’on avait.
Pour finir, petit portrait croisé. Comment
Neth voit All Angels Gone ?
Florian (Neth) : Moi Florian, ça n’engage
que moi. Je trouve ça naze (rires). Non. Ces p’tits
gars, c’est des génies. Il faut aller les voir sur
scène parce que c’est une grande claque. C’est
très prenant. Ils font une musique qui rentre dans les gens.
C’est impressionnant, il faut vraiment voir ça sur
scène. La première fois que je les ai vus, je n’en
suis pas sorti indemne. C’est un groupe important, un groupe
intéressant et c’est des gens adorables.
Le regard d’All Angels Gone.
Franck (All Angels Gone) : J’ai les larmes
aux yeux (rires). La première fois qu’on a vu Neth
sur scène, c’était il y a 4 ou 5 ans. On venait
de monter le groupe, on avait 4 ou 5 compos en route. Quand on est
rentré le soir, on s’est dit – "C’est
bon, on peut arrêter, ça sert à rien".
Et après en fait, on a plus ou moins perdu le contact et
puis on a fait notre premier concert. C’est à ce moment-là
qu’on les a revus tout ça, qu’on est devenu supers
potes. La musique de Neth faut la voir en concert. Je vais être
méchant mais leur CD ne correspond plus du tout à
ce qu’ils font maintenant, parce qu’ils l’ont
sorti, il y a un petit peu de temps.
Florian (Neth) : C’est vrai, il a raison.
Franck (All Angels Gone) : Sur scène, c’est
vraiment impressionnant. Aujourd’hui, c’est le seul
groupe de rock que je peux écouter sans me faire chier. Je
trouve ça vraiment mortel. Ils ont des morceaux qui percutent,
une énergie terrible. Flo sur scène est vraiment impressionnant,
tous les autres aussi ont une énergie démentielle.
C’est vraiment énorme ce qu’ils font. On s’éclate
trop à jouer avec eux, c’est trop mortel.
On va laisser le mot de la fin à One Hot
Record et Rachid, le "patron".
Rachid (One Hot Record) : Pour moi, c’est
à la fois un plaisir et un honneur de bosser avec eux. Ce
n’est pas seulement une bande d’amis. Ce sont deux groupes
qui se revendiquent de grands groupes anglo-saxons. A priori, on
pourrait se dire que comme il y a des tas de groupes qui font la
même chose, ça pourrait être du flan. Mais ça
n’en est pas. Disons qu’ils ne mentent pas sur la marchandise.
Ce qui est assez frappant chez les deux groupes en les écoutant,
on n’a pas de problème à les comparer à
de très grands groupes anglo-saxons et sans les flatter.
Un grand merci à All Angels Gone et Neth
Merci également à Rachid de One Hot Record
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