Pierre Fouchenneret - Simon Zaoui - Raphaël Merlin - David Lefort
Gabriel Fauré : Horizons
(Aparté Music) février 2018
"(...) Quel caprice insensé de tes désirs nomades, mon cœur, ô toi mon cœur qui devrais être las, te fait encore ouvrir la voile au vent des rades, où ton plus fol amour naguère appareilla ? (...)" Jean de La Ville de Mirmont, L’Horizon Chimérique
Figure musicale majeure de la fin du XIXème siècle, influencé par Camille Saint-Saëns, Jules Massenet, Schumann, Liszt et Frédéric Chopin, respectueux d’un certain académisme, Gabriel Fauré n’est pas le plus célèbre (et célébré) des compositeurs Français. Pourtant, il a amplement participé à l’essor de la musique française grâce à un véritable talent mélodique, à un langage harmonique personnel et à son poste de professeur de composition au conservatoire de Paris (avec des élèves comme Maurice Ravel, Nadia Boulanger, Charles Kœchlin).
Si l’on s’émerveillera de ses talents de mélodistes (trouvant sûrement sa quintessence dans ses mélodies pour voix et piano), on lui reprochera de ne pas être un grand "technicien" de l’écriture musicale. Reste en grande majorité une musique de salon pleine de raffinement et de nuances, des pièces accordant une importance non négligeable aux expressions.
L’ensemble emmené par Simon Zaoui (piano) et accompagné par Raphaël Merlin (violoncelle), Pierre Fouchenneret (violon) et David Lefort (chant) propose une traversée de l’œuvre du compositeur Français, une mise en perspective de son évolution stylistique, allant de quelque chose de plutôt introspective et rêveuse jusqu’à un langage plus profond, cherchant tout autant l’épure qu’une certaine intensité, que l’on retrouve dans les trois derniers nocturnes pour piano par exemple, jusqu’à tendre vers une troublante poésie, cet "horizon chimérique".
Une évolution que l’on retrouve par exemple entre la première sonate pour violon qui quelque part contribuera à jeter les fondations de la musique de chambre française (comme une réponse à la musique de chambre germanique), où l’on voit Fauré s’attacher au rapport entre les deux instruments, à la luminosité et sa volonté de charmer et la seconde composée quarante ans plus tard, plus mature, plus complexe plus saisissante aussi. Des émotions que l’on retrouve dans les deux superbes sonates pour violoncelle. Et que dire du trio pour violon, violoncelle et piano (où la clarinette à l’origine remplaçait le violon), sûrement l’un des sommets de sa production, aux émotions brillantes, au lyrisme souverain et d’une rare subtilité ?
L’horizon chimérique date de 1921 et clôt l’œuvre vocale de Gabriel Fauré. Il y a ces métaphores filées du bateau, de l’ailleurs, des océans, comme autant d’allégories de la condition humaine, des chimères bien tragiques puisque Jean de La Ville de Mirmont mourra au front à 28 ans. Un lyrisme mis en musique avec un balancement rythmique, une grande richesse harmonique.
L’ensemble nous transporte avec une superbe virtuosité dans des mélodies souvent à l’intensité poignante. Il y a beaucoup de rondeur, de chaleur dans le son. Un disque à recommander fortement donc pour se replonger dans l’univers de la musique chambriste du compositeur.
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