Richard Strauss : Don Quixote & Cello Works
(Aparte Music) mars 2018
"Too much sanity may be madness. And maddest of all, to see life as it is and not as it should be."
Le 15 février 2018 au soir à Pantin, en Seine-Saint-Denis, Ophélie Gaillard se fait violemment agresser et voler son instrument, un Goffriller de 1737 (estimé à près de 1,3 million d’euros et prêté par la banque CIC sous forme de mécénat) ainsi qu'un archet de grande valeur. L’histoire se termine heureusement bien puisque la violoncelliste retrouve quelques jours plus tard son instrument "sur la banquette arrière d’une voiture garée devant son domicile".
Il faut imaginer les liens qui unissent un musicien avec son instrument pour comprendre l’horreur que fut cette agression pour Ophélie Gaillard. Et en tant que mélomane, il suffit d’écouter ce disque pour saisir la perte musicale qu’aurait engendrait la disparition de l’instrument. Ce disque s’inscrit sans le vouloir dans une autre actualité. Le questionnement du rapport entre l’homme et son œuvre. Il ne nous appartient pas ici de savoir si on doit interdire la musique de Bertrand Cantat et l’empêcher de jouer. Éthiquement, se doit-on de ne plus jouer un compositeur à cause de ses actes ou de ses idées politiques ? Peut-on vraiment séparer l’homme de sa musique, de ce qu’elle sous-tend implicitement ? Autrement dit, doit-on jeter sa version du Rosenkavalier de Karajan datant de 1957 avec Ludwig, Stich-Randal et Schwarzkopf, version qui fait référence, à cause des accointances de Richard Strauss avec le régime nazi ? Question subsidiaire : est-ce un hasard si Karajan a aussi bien compris la musique de Strauss ?
Sans éluder ces questions qui l’interpelle, Ophélie Gaillard a décidé de se concentrer sur la musique et seulement la musique. N’est-ce pas au fond le principal ? Le résultat est en tout cas superbe ! La violoncelliste, avec virtuosité, beaucoup de tempérament, une très belle délicatesse dans les phrasés et un incroyable touché, tire de son instrument tout au long du disque de superbes couleurs. Elle le fait chanter. Elle installe une véritable dramaturgie dans le Don Quixote sous-titré "Variations fantastiques pour grand orchestre sur un thème de caractère chevaleresque" qui comprend un violoncelle solo représentant Don Quichotte et un alto solo son acolyte Sancho Panza. Le disque se termine dans la lumière avec le tendre Morgen tiré des Vier Lieder op.27. Il y a du romanesque ici. Comment ne pas succomber aux charmes de ce disque ?
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