Spectacle musical d'après l'oeuvre de John Gay et Johann Christoph Pepusch, adaptation de Ian Burton et Robert Carsen, conception musicale de William Christie, mise en scène de Robert Carsen, avec Robert Burt, Diana Trapes (ou Beverley Klein), Kate Batter, Benjamin Purkiss, Kraig Thornber, Olivia Brereton, Emma Kate Nelson, Manuel Sean Lopeman, Gavin Wilkinson, Taite-Elliot Drew, Wayne Fitzsimmons, Dominic Owen, Natasha Leaver, Emily Dunn, Louise Dalton, Jocelyn Prah et les musiciens de l'ensemble Les Arts Florissants.
Moins connue sans doute que sa fameuse adaptation allemande par le duo Bertolt Brecht et Kurt Weill, la partition originale de "The Beggar's Opera" composée John Gay et Johann Christoph Pepusch ressort au genre musico-théâtral du "ballad opera" alternant dialogues parlés et chantés sur un pêle-mêle de mélodies baroques, de chansons populaires et de ballades écossaises ou irlandaises.
La proposition du triumvirat de choc, dont les membres se connaissent bien, qui s'est attaquée à ce précurseur de la comédie musicale prêt à fêter son tricentenaire, s'avère une superbe réussite aussi jubilatoire que divertissante.
Aux manettes, l'hyperactif metteur en scène canadien Robert Carsen, figure de proue de la mise en scène lyrique aux choix musicaux éclectiques du baroque à la comédie musicale, qui se trouve en l'espèce réunies, le dramaturge britannique Ian Burton et le claveciniste et chef d'orchestre franco-américain William Christie, spécialiste de la musique baroque.
Ils opèrent une judicieuse recontextualisation avec une belle (im)pertinence cette satire socio-politique dénonçant la corruption généralisée des institutions du 18ème siècle, politique, justice et police, sous couvert d'une métaphore parodique avec les moeurs des bas fonds londoniens dont la contemporanéité relève de l'évidence. Car ce monde souterrain, double de la société "visible" est soumis au même diktat d'un capitalisme cynique sans foi ni loi.
Sur toile de fond de romances contrariées l'argument repose sur la rivalité professionnelle et la colère paternelle que suscite la réussite du jeune et séduisant bandit Macheath (Benjamin Perkins) tant au "parrain" Peachum (Robert Burt), et à et sa légitime (Beverley Klein), d'autant plus que leur fille Polly (Kate Batter) a succombé à son charme, qu'au chef de la police Lockit (Kraig Thornber) dont il a engrossé la fille Lucy (Olivia Brereton).
Robert Carsen et Ian Burton ont procédé au resserrement de l'opus et à une modernisation circonstanciée des dialogues comme William Christie a paré à la musique originale lacunaire par une une réinvention entre arrangements éclairés et improvisations inspirées les musiciens de l'ensemble Les Arts Florissants, qu'il a fondé, et qui officient en live sur scène.
Et James Brandily a réalisé une ébouriffante scénographie d'entrepôt gigantesque avec son mur de cartons qui constituent autant de boites à malice pour narrer cette épopée héroïco-comique qui s'achève en "happy end" de pastorale customisé par un utopique événement attestant un iconolaste humour anglo-saxon dont la primeur est laissée au spectateur.
Non sans résonance stylistique avec le mythique "West Side Story", la mise en scène millimétrée de Robert Carsen est exécutée au cordeau, tout comme les toniques et virevoltants inserts chorégraphiques supervisés par Rebecca Howell, par une épatante troupe non de chanteurs lyriques mais de seize acteurs dotés d'une solide formation au chant dont le talent laisse admiratif et qui méritent tous une mention spéciale. |