Spectacle conçu et mis en scène par Camille Dagen, avec Yannick Gonzalez et Hélène Morelli.
Une heure pour savoir en dix commandements, qui défilent sur l'écran occupant le fond de la scène, comment faire une bonne photo, c'est une proposition apparemment raisonnable.
Comme dans les spectacles de Mohamed El Khatib, tout commence par une description précise par les deux acteurs, Yannick Gonzalez et Hélène Morelli, de l'existant. On saura les dimensions du plateau, le nombre de personnes qui ont participé à la conception et à l'élaboration du spectacle. On apprendra même le nombre de spectateurs présents.
Ce formalisme didactique n'est pas sans rappeler le projet péréquien de "Tentative d'épuisement d'un lieu parisien", dans lequel Georges Perec décrivait tout ce qui l'entourait alors qu'il écrivait assis à une table au Café de la Mairie, place Saint-Sulpice. A la différence du projet de l'écrivain, celui conçu et mise en scène par Camille Dagen n'a pas pour but volontaire de réduire la forme au fond, de faire de la forme le fond.
La démarche, si elle se veut originale et cherche d'emblée l'empathie des spectateurs parce que Yannick et Hélène allient allant et fraîcheur, n'est donc pas "post-moderne". D'autant qu'il s'agit d’illustrer le processus photographique... qui se déroulait au temps de l'argentique.
"Durée d'exposition" est ainsi par essence un spectacle nostalgique où des mots qui n'ont plus cours à l'ère numérique seront prononcés : émulsion, révélateur...
Cette nostalgie est renforcée par le contenu du spectacle plutôt conventionnel : lecture d'un poème, danse avec un élu du public, interprétation, fort convaincante d'ailleurs, par Hélène Morelli d'un texte issu de Baisers Volés, "l'Apparition", où elle reprend un monologue de Delphine Seyrig. Parti d'un inventaire à la Perec, "Durée d'exposition" a pour références souterraines Philippe Delerm et François Truffaut, c'est-à-dire qu'on y recherche le mets actuel le plus rare : la poésie du quotidien.
Heureusement, il y a aussi du Hyde chez ces jeunes gens bien sous tous rapports puisqu'ils ont le mauvais goût "Titanic" au point de se verser sur la tête des cuvettes d'eau et d'écouter quelques trop longues secondes de Céline Dion.
On sera vite rassuré : on les croyait naïfs et vains, ils sont au contraire un tantinet pervers et leur gentillesse est peut-être là pour endormir les méfiants. Si leur spectacle paraît léger de contenu, c'est sans doute qu'ils l'ont décidé et font comme cela un pied de nez à ceux qui n'aiment pas les bulles de savon théâtrales.
"Durée d'exposition" est finalement un spectacle très clivant qui laissera certains tout à fait sceptiques alors qu'il en enthousiasmera d'autres. Consensuel en son début, cet exercice de style aura ses partisans et ses détracteurs. On y verra de beaux débuts ou une apologie inutile de la photo d'antan. En tout cas, ce cliché fera parler. |