Réalisé par Stanley Tucci. Grande Bretagne/France. Biopic.1h34 (Sortie le 6 juin 2018). Avec Geoffrey Rush, Armie Hammer, Tony Shalhoub, Sylvie Testud, Clémence Poésy, James Faulkner, Kerry Shale et Philippe Spall.
Si l'on évoque Alberto Giacometti, le sculpteur de "l'homme qui marche", les plus fins connaisseurs de l'artiste diront que cet italophone était d'origine suisse, qu'il s'est installé à Montparnasse dans sa "caverne-atelier" de la rue Hippolyte-Maindron, entre Alésia et Montparnasse, qu'il partageait avec son frère Diego, où il n'a cessé de peindre et de sculpter pendant des décennies
Y a-t-il alors de quoi faire un biopic ? Pas vraiment... Sauf si, à l'instar, de "The Final Portrait" de Stanley Tucci, on s'intéresse à un tout petit moment de la vie de Giacometti qui se déroule quelques mois avant sa mort en 1966.
L'artiste, en effet, avait un ami américain, James Lord, âgé d'une quarantaine d'années qui s'était installé à Paris où il essayait d'écrire et de vivre une homosexualité mal acceptée par sa famille riche et bien-pensante. En 1964, Giacometti lui propose de faire son portrait... Ce qu'il pensait durer quelques heures fera, en fait, l'objet de dix-huit interminables séances de poses. Il en tirera un livre, un premier livre sur Giacometti dont il deviendra, après la mort de celui-ci, le grand biographe.
Pour son quatrième film, l'acteur Stanley Tucci, bien inconnu des amateurs de films indépendants new-yorkais, mais aussi de films grand public comme "Le Diable s'habille en Prada", a adapté le récit de James Lord. Avec l'aide déterminante de Geoffrey Rush, qui après Sade et Peter Sellers, incarne un nouveau monstre sacré, il réussit son pari et va permettre à tous de découvrir qui était le génial artiste à la tignasse broussailleuse. Fumeur invétéré, érotomane amateur de prostituées, couvé et protégé par son frère cadet Diego affublée d'Annette, son indispensable épouse avec qui la vie était souvent orageuse, Alberto Giacometti
reste le bohème de sa jeunesse alors qu'il est devenu riche et célèbre.
On verra dans "The Final Portrait" de Stanley Tucci ce qu'il fait de cet argent dont il ne mesure visiblement pas la valeur, tant il est encore et toujours dans les affres de la création. Ce sera l'occasion d'une sortie hors de son antre noirâtre pour quelques plans dans un Paris coloré et pimpant du début des années 1960 avec disques de France Gall et de Françoise Hardy.
Mais l'essentiel du film est une relation fidèle de la composition du portrait de James Lord, interprété avec flegme et élégance par Armie Hammer>, parfait contrepoint au Giacometti fébrile de Geoffrey Rush. Rarement dans une fiction, on aura vu d'aussi près un artiste au travail, avec ses doutes et ses tâtonnements, ses repentirs qui, chez Giacometti, sont permanents.
"The Final Portrait" de Stanley Tucci est presque un suspense : qu'en sera-t-il à la fin du film du portrait attendu ? Exécuté ? Abandonné ? Détruit ?
On ne révélera rien sinon que l'on aura finalement eu un vrai biopic instructif et amusant. Histoire de constater que la vie des peintres à l'écran donne souvent de bons films. Qu'on se souvienne du Modigliani de "Montparnasse 19" de Jacques Becker, du Pollock joué et réalisé par Ed Harris, du Basquiat de Julien Schnabel, etc... Elle permet aussi des incarnations formidables, comme celle de Kirk Douglas en Van Gogh dans le film de Vincente Minnelli, de Derek Jacobi en Francis Bacon dans "Love is the Devil". Geoffrey Rush rejoint tous ces immenses comédiens, ainsi que Tony Shalhoub, tout en finesse dans le rôle de Diego Giacometti.
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