Correspondance épistolaire de Franz Kafka mise en espace par Bertrand Marcos avec Isabelle Carré et Dominique Pinon. Il y a quelques mois, Bertrand Marcos mettait en espace "L'Eté 80" de Marguerite Duras, brillamment interprétée par Fanny Ardant. Il récidive avec les "Lettres à Felice" adressées à Felice Bauer par Franz Kafka.
Moins connue que Milena Jesenska, avec qui l'auteur du "Château" entretint une correspondance passionnée, mais qu'il ne vit que deux fois, Felice Bauer fut pourtant sa fiancée, celle avec qui il faillit se marier, et qui conserva les cinq cents lettres qu'il lui adressa.
Sur une scène où s'éparpillent quelques meubles anciens, dont un bureau et quelques sièges, Dominique Pinon et Isabelle Carré vont faire revivre la fiévreuse correspondance entre Franz et Felice.
Certes, on n'aura ici que la lecture des lettres adressées par l'écrivain tchèque à sa promise, mais souvent il commente les lettres qu'elle lui a adressées et on a l'impression d'un véritable échange. D'autant que Bertrand Marcos fait alterner de manière subtile leur lecture par les deux acteurs.
Le plus souvent derrière son bureau, Kafka répond avec enthousiasme aux lettres de sa bien-aimée. Felice, au devant de la scène, ou assise dans un fauteuil, est plus équivoque et l'on sent, quand elle lit le contenu des lettres de son fiancé toutes les évolutions, les hauts et les bas de leur relation difficile, alimentée par la santé chancelante de Kafka et ses obsessions intellectuelles.
On ne cherchera pas de ressemblances physiques entre les deux acteurs et leurs personnages. Felice et Kafka étaient presque encore des jeunes gens quand ils échangeaient au gré d'un courrier aléatoire, dont l'irrégulière distribution fâchait beaucoup le récipiendaire.
Dans cette adaptation des "Lettres à Felice", il faut avant tout écouter la voix de l'un des plus grands écrivains du siècle dernier. On découvrira un texte d'une grande beauté, une manière très concrète de dire les choses de la part d'un homme qu'on dit compliqué.
Surtout, on appréciera de la part de celui qui a donné à l'absurde ses lettres de noblesse littéraires, un humour permanent pour conter les aléas d'une relation qu'on peut objectivement considérer plus malheureuse qu'heureuse.
Les deux interprètes d'exception utilisent toute leur expérience pour que derrière les mots envoyés à l'aimée surgisse le vrai Kafka, tout simple et tout entier derrière son apparente complexité. |