Spectacle musical conçu par Etienne Luneau et interprété par Etienne Luneau et Joseph Robinne.
On avait laissé Etienne Luneau et Joseph Robinne aux portes du "Chat noir" pour un spectacle au titre éponyme, l'année dernière au Théâtre 13/Jardin.
Ce bel hommage au mythique cabaret où triomphèrent Aristide Bruant ou Jehan Rictus laissait deviner de la part du chanteur et de son compositeur une grande aisance avec les chansons de cette époque, et plus largement, avec le répertoire que l'on qualifiera après la Libération de "chanson Rive-Gauche".
"C'est maintenant que ça commence !" est plus qu'une preuve de leur talent à faire revivre, en la modernisant et en la revisitant selon la formule consacrée, cette grande tradition de la chanson française.
Quand Etienne Luneau entre en scène, veste étroite et cravate fine et que Joseph Robinne s'installe à son piano en plus qu'accompagnateur, ce ne sont pas simplement deux jeunes gens qui entament un tour de chant voix/piano. Derrière eux, ils sont tous là, les fantaisistes et les réalistes, les diseurs, les poètes et les provocateurs.
Dans les inflexions mêmes de sa voix chaude, bien posée, Etienne Luneau réveille Brel et Debronkart, les deux Jacques de la chanson à interpréter le verbe haut, avec humour, arrogance et beaucoup de postillons. Comme ses devanciers, il sait se servir de son corps et de sa gestuelle dans un tour de chant à voir et à entendre.
Mais Luneau a mille influences. Parfois, on a l'impression qu'il a construit une chanson sur le modèle de celles de Bruant. Parfois, quand il fait réapparaître son personnage à la diction ibérique, successivement adepte du tango,du flamenco et du slow, on frôle le Reggiani de "Arthur, où as-tu mis le corps ?". Quant à son feuilleton "Hervé Brisson", il rappelle la complainte de Fantomas chère à Robert Desnos.
Luneau pourrait très bien fournir des chansons à Juliette, la seule qui, grâce à son parolier Pierre Philippe, se rapproche vraiment de ce répertoire. Evidemment, pour l'instant, ce qu'il propose n'a pas la même richesse musicale puisqu'il se contente - et c'est déjà formidable - de marier sa voix aux touches du piano de son complice Joseph Robinne. Il faut dire aussi que cet instrument lui ait bien utile, puisque il a pris l'habitude, entre chaque chanson, de boire un verre d'eau qu'il pose sur l'acajou noir de l'accordéon du riche.
C'est à bon rythme qu'il mène ce spectacle merveilleusement construit en boucle et qui agrège vite tous les spectateurs. Car, qualité suprême pour se produire sur scène sans avoir été entendu préalablement à la radio, les chansons d'Étienne Luneau séduisent à la première écoute, presque au bout d'un seul refrain.
Très vite, on comprend aussi que les personnages décrits peuvent, à tout moment, réapparaître dans une autre chanson. Cet "effet à la Tintin" est assez jouissif, surtout quand Etienne Luneau, vers la fin de son spectacle, propose une chanson somme qui utilise des éléments de toutes celles qui l'ont précédée.
Lui qui porte, en l'assumant complètement, l'héritage d'un art français de la chanson devient ainsi son propre héritier.
Mais ce n'est sans doute pas là son seul objectif et l'on peut parier que, s'il le souhaite un jour, il saura avec son compère écrire des "tubes" ou mieux des "standards" que l'on fredonnera avec un plaisir égal à celui que l'on a aujourd’hui en essayant de se remémorer ce flux musical que l'on vient d'entendre.
Un spectacle dynamique qui rend tout simplement heureux. |