Comédie dramatique écrite par Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Clotilde Mollet et Jean-Louis Hourdin interprétée par Jean-Pierre Bodin, Clotilde Mollet et Thierry Bosc.
On connaît les dons de conteur épique de Jean-Pierre Bodin qu'il déploie avec un succès qui ne se dément pas depuis 1994 dans son "Banquet de la Sainte-Cécile". Mais c'est aussi un moraliste capable de décrire son époque au sein d'un collectif d'écriture qui comprend aussi Clotilde Mollet et Alexandrine Brisson.
"Les Gravats" est le dernier produit de leur collaboration. Quand on dira le sujet de ce petit bijou, on risque d'entendre quelques murmures concernant le titre choisi et Jean-Pierre Bodin et ses camarades ont bien eu raison de les prévenir dans une des saynètes les plus hilarantes où, justement, ils s'emparent de la question du titre de leur œuvre, pour la déminer.
"Les Gravats", ce sont donc les "vieux" pour employer un mot qui à l'ère de la jeunesse perpétuelle paraît maintenant presque une injure. Ces vieux qu'on laisse finir leur fin de non-vie dans des Epad dont les quotidiens font leurs choux gras en les décrivant comme le summum de la misère humaine.
Dans ces "Gravats", ils sont trois - deux hommes (Jean-Pierre Bodin et Thierry Bosc) et une femme (Clotilde Mollet) - que l'on découvre d'abord dans de confortables fauteuils à roulettes qui dérivent sur scène erratiquement à l'instar d'auto-tamponneuses.
"La vieillesse est un naufrage" disait le plus illustre des Français. Ici, c'est plutôt un constat amusé (même si quand on en rit, le rire est très jaune). C'est un fait qu'il faut accepter plus en stoïque qu'en cynique.
Rien n'est évité ni minimisé et l'on assistera à une opération de désossage qui atteint les plus hautes altitudes dans l'humour noir pendant que dans le même temps les gémissements de l'acteur Thierry Bosc, cloué sur son lit de douleur, provoquent la plus sincère compassion pour cette condition humaine amenée à connaître des choses aussi terrifiantes.
Alors quels viatiques sont-ils possibles ? Bien entendu, l'idéal serait la tendresse et la compréhension entre des êtres tous soumis à des exercices pénibles avant le repos final. C'est évidemment le cas dans "Les Gravats" de ces trois garnements du dernier âge.
Mais pour se rassurer vraiment ou s'assurer un peu mieux, il y a une solution qu'on a tort d'avoir oublié... Elle se nomme "poésie" et Thierry Bosc, qui jouera en alternance avec Jean-Louis Hourdin, interprète "Épilogue", un magnifique texte de Louis Aragon : "Le drame il faut savoir y tenir sa partie et même qu'une voix se taise, Sachez le toujours le choeur profond reprend la phrase interrompue, Du moment que jusqu'au bout de lui même le chanteur a fait ce qu'il a pu, Qu'importe si chemin faisant vous allez m'abandonner comme une hypothèse."
Cet hymne à la vie et à la mort a toute sa place dans ces "Gravats" dont la petite musique mélancolique et taquine n'a pas fini de résonner.
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