Réalisé par Camille Vidal-Naquet. France. drame. 1h39 (Sortie le 29 août 2018). Avec Félix Maritau, Eric Bernard, Nicolas Dibla, Philippe Ohrel, Mehdi Boudina, Pavle Dragas, Azir Mustafic et Hassim Mohamed Saleh.
De temps en temps, il faut faire des paris. Au risque de les perdre et de les regretter. Ainsi "Sauvage" de Camille Vidal-Naquet appartient à ces films qui nécessitent plus qu'une vision, celle où il n'est qu'un saisissement qui entraîne illico une adhésion ou un rejet viscéral.
Et même si l'on va le voir deux ou trois fois de suite, on n'en saura guère plus. "Sauvage" est de ces films dont on ne connaîtra la portée que dans quelques années.
Il a besoin que le temps passe pour que l'on sache si sa sincérité évidente ne se fissure pas à la longue et le spectateur, lui, a sans doute aussi besoin d'en savoir plus sur Camille Vidal-Naquet, si son cinéma a un avenir ou s'il se résumera à un cri unique poussé dans "Sauvage".
Bref, il faut prévenir le spectateur de sa crudité, presque de sa cruauté. Jamais, sauf si l'on a déjà fréquenté des salles spécialisées, on aura eu l'occasion de voir sur un écran autant de sexes masculins en action, autant de coïts explicites.
Attention ! "Sauvage" de Camille Vidal-Naquet n'est pas un film provocateur ni un film qui cherche à choquer le bourgeois. Si l'on en parle avec peut-être trop de pincettes, c'est qu'il est loin, très loin de la roublardise chic et choc d'un Gaspard Noé et qu'il porte en lui d'évidents sentiments. D'évidents beaux sentiments qui se lisent sur le visage expressif de Léo (Félix Maritaud).
Evidemment, d'aucuns le diront, ce jeune homme porte les stigmates d'une vie erratique de "garçon sauvage". A la recherche d'un amour absolu qui emporte son corps au-delà de la douleur, qui emmêle mort et désir, il y a inévitablement du "christique" en lui.
Plus qu'à Pasolini, avec lequel le cinéma a-poétique de Camille Vidal-Naquet n'a pas beaucoup de points communs malgré les apparences, c'est à Gus Van Sant que l'on pense. Celui de ses premiers films, genre "My Private Idaho" ou "Drugstore Cowboy". "Sauvage" de Camille Vidal-Naquet a cependant un avantage sur le cinéma du réalisateur étasunien : il ne cherche aucun effet esthétique, ne vise pas un cinéma léché et maîtrisé.
Ce qui pose positivement problème chez Vidal-Naquet, c'est justement qu'on ne sait pas encore si ses défauts ne sont en fait que des maladresses. Ainsi, Camille Vidal-Naquet aurait pu épargner à son spectateur la scène où Léo et son ami Ahd couchent avec un handicapé et plus encore celle où deux clients, deux espèces de skinheads,obligent Léo à s'enfoncer dans l'anus un "super-godemichet".
Il ne faut pas oublier que c'est ici un premier film et qu'il essaie de montrer la vie d'un prostitué des rues et des bois. Emporté par son sujet, Camille Vidal-Naquet décrit vraiment tout ce qui peut lui arriver.
Sans doute aussi, la fin paradoxale de "Sauvage" trouble encore son message. N'empêche que la performance de Félix Maritaud restera dans les mémoires et que le film de Camille Vidal-Naquet aura reculé, chez certains, la limite de ce qu'il est possible de voir... |