Comédie dramatique de Henri Courseaux, mise en scène de Stéphane Cottin, avec Henri Courseaux et Marie Frémont.
Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, Henri Courseaux propose avec "Tendresse à quai" un spectacle où il peut déployer toute sa fantaisie, tout son humour, toute son émotion.
Acteur indispensable depuis presque un demi-siècle, il donne ici toute sa mesure poétique et lunaire dans le personnage de Léon Brémont, Prix Goncourt il y a déjà 34 ans et qui, depuis, ne produit plus que des débuts qui n'ont jamais de fin.
Sur le quai hypothétique d'une gare, il croise une jeune femme d'une trentaine d'années et imagine combien il serait doux de l'étreindre, paternellement bien sûr, en prononçant d'un ton rassurant "Je suis là".
Dans son texte à tiroirs où les critiques de théâtre et les lecteurs de Télérama ont droit de cité, il se moque gentiment des mises en abyme sans que l'on sache s'il a la pédanterie de mettre un "y" à la place du "i" dans ces "abîmes" théâtraux.
Prétexte à beaux moments où le vieil homme et la jeune femme vont vraiment (ou pas) se rencontrer, "Tendresse à quai" se savoure sans chercher à tout démêler. On y gagne le plaisir de voir deux acteurs en liberté et à leur meilleur.
Habillé astucieusement en vieil auteur compassé mais tout de même élégant par Choupane Abello Tcherpachian, Henri Courseaux ne détonne pas avec Marie Frémont en vraie-fausse cadre chargée des "Relations humaines". Celle qui s'appelait Colette devient Madeleine et elle a bien des points communs avec la Madeleine de Brel, celle qu'on attend et qui ne vient pas.
Devant un fond de ciel qui varie selon leurs humeurs, ils évoluent sur une scène, subtilement éclairée par Marie-Hélène Pinon, dans laquelle de part et d'autre, deux paravents tourniquets font office tour à tour de table de cafés, de bureau ou de penderies. Stéphane Cottin, grâce à ce dispositif, rend très dynamique le mélange de monologues et de dialogues, l'intervention de pensées off et les extraits d'un faux "Masque et la plume" qu'écoute la jeune femme grâce aux écouteurs de son portable.
Mine de rien, avec "Tendresse à quai", Henri Courseaux a réussi un hymne à la recherche du bonheur. Un hymne d'autant plus réussi que ces personnages le trouvent, ce bonheur insaisissable, dans une pirouette finale qu'on n'a vraiment pas vu venir.
"Tendresse à quai" est une vraie réussite qui devrait convaincre un large public. |