Cela faisait un petit moment que j’avais envie de lire ce livre sur Hitler et le nazisme. Paru en grand format en septembre 2016, le voilà dans une édition petit format plus abordable pour les poches de ceux qui investissent beaucoup d’argent dans la lecture.
Fruit de plusieurs années d’enquête dans les archives, cet ouvrage dresse un tableau inédit et fascinant de la toxicomanie massive qui a sévi en Allemagne à partir de 1933. Des étudiants aux ouvriers, des intellectuels aux dirigeants, Hitler le premier, et aux soldats de la Wehrmacht, ce phénomène n’avait jamais été analysé dans toute son ampleur. Adoubé par l’un des plus grands spécialistes d’Hitler, l'historien Ian Kershaw, Norman Ohler nous propose un livre tout simplement passionnant.
Il nous montre comment la méthamphétamine s’est rapidement imposée dans toute la société allemande à partir des années 30 sous la forme de petites pilules bleues consommées pour travailler mieux et plus vite, pour garder le moral. On découvre aussi que l’armée allemande avait commandée de grande quantité de pervitine pour ses soldats et que la fameuse tactique du Blietzkrieg fut au final une tactique du "speed", menée par des soldats défoncés.
On voit aussi que si la drogue a pu aider les soldats à leur donner confiance et insouciance dans les combats, menant à de nombreuses victoires, elle a pu aussi être une des raisons principales de certains désastres militaires, notamment sur le front est avec un état-major complètement camé.
Hitler aussi est présenté comme un drogué. C’est d’ailleurs ce qui rend le livre le plus passionnant. C’est en retrouvant des carnets de soins d’un docteur Morell que l’on a eu connaissance de la dépendance d’Hitler aux opiacés. Hitler se faisait régulièrement injecter des stéroïdes, des opiacés et consommait de la cocaïne en grande quantité. Théo Morell, médecin personnel du Führer, le suivait dans tous ses déplacements et consignait toutes les injections qu’il lui faisait dans des carnets. Hitler va faire sa connaissance quand il va commencer à souffrir de maux intestinaux que le docteur parviendra à soulager à coup d’injections sans jamais chercher à en connaître ses causes.
Rapidement dépendant, Hitler va devoir consommer des produits de plus en plus puissants, comme l’eucodal (un mélange d’héroïne et de cocaïne), dans des proportions de plus en plus importantes. On apprend qu’il participe à des grandes conférences ou des rendez-vous importants complètement défoncé.
Complètement parano après l’attentat manqué contre lui, marqué par les défaites qui s’accumulent, il va s’enfermer dans une psychose infernale que les drogues ingurgitées alimenteront jusqu’à épuisement des stocks.
Vous l’avez donc compris, le livre de Norman Ohler traite donc d’un aspect du régime nazi qui, jusque là, avait été insuffisamment pris en compte, à savoir l’importance qu’a pu prendre la consommation de produits stimulants dans la société allemande pendant la guerre. Il nous montre aussi la relation symbiotique qui lia Hitler au docteur Morell et comprend mieux certaines décisions prises par Hitler, notamment après 1941. On se rend alors compte que le quartier général d’Hitler se retrouva, au fur et mesure de la consommation d’opiacés de son chef, dans l’incapacité de commander efficacement. La drogue fut rapidement pour Hitler et son peuple une béquille chimique lui laissant croire qu’il allait toujours dans la bonne direction.
L’extase totale est donc un excellent ouvrage, issu d’une enquête précise (on trouve de nombreuses photos dans l’ouvrage, notamment de carnets du docteur), autour d’un style narratif proche du journalisme qui en fait un très bon livre d’histoire, passionnant et captivant. |