Dans le cadre de la célébration du 160ème anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Japon sur le thème Japonismes 2018, de nombreuses manifestations artistiques scanderont l'événement dont l'exposition "Jakuchu - Le Royaume coloré des êtres vivants" co-organisée par le Petit Palais dans lequel elle siège, la Fondation du Japon ,Nikkei Inc et l’Agence de la Maison impériale du Japon .
Conçue sous le commissariat de Aya Ota, conservatrice en chef du Musée des collections impériales et Manuela Moscatiello, responsable des collections japonaises au usée Cernuschi, elle revêt toutefois un caractère exceptionnel, et ce, à plus d'un titre.
En effet, ressortant aux Trésors des collections impériales du Japon, elle présente un ensemble monumental de trente rouleaux de soie peinte "Doshoku sai-e" qui constitue un chef d'oeuvre de la peinture japonaise du 18ème siècle et le grand oeuvre de Ito Jakuchu, un des peintres singuliers qui n'appartenaient à aucun mouvement de leur temps, dont notamment celui de l’ukiyo-e, les images du monde flottant, connus comme Les Trois Excentriques de Kyoto. De plus, la monstration est inédite dès lors que ces oeuvres, qui sortent pour la deuxième fois hors de Japon, sont présentées pour la première fois en France, de surcroît, pour une courte durée en raison de leur fragilité. Enfin, cette célébration de la nature comme source de vie et de joie s'avère un éblouissement tant elle suscite une superposition d'émotions tant esthétiques et métaphysiques que spirituelles. Le Royaume coloré des être vivants - Sérénité, Beauté et Admiration La première impression qui saisit le visiteur à la découverte de cette oeuvre d'un artiste hors du commun surnommé "l'homme à la main divine" et d'une grande religiosité est la sérénité.
La seconde, à l'approche de chaque kakémono, est la beauté, beauté esthétique et beauté de la nature immanente que le peintre saisit avec une obsession maniaque du plus menu détail qui caractérise l'observateur méticuleux de son environnement familier, n'ayant jamais voyager hors de Kyoto, celui des étangs, du ciel, des jardins et de la basse-cour.
Cependant il ne s'agit pas que de simples reproductions d'après nature de son environnement familier, celui de proximité dans lequel il a vécu n'ayant jamais voyagé, la faune et la flore du ciel, des jardins, des étangs et de la basse-cour.
Car les panneaux polychromes, au demeurant destinés à l'important monastère zen Shokoku-jiun sis à Kyoto, s'articulent autour d'une triade sacrée, avec le portrait de deux bodhisattva entourant celui du Bouddha Sakyamuni, fondateur historique du bouddhisme. Ils traduisent la plénitude spirituelle dans laquelle s'inscrit le peintre avec sa représentation du monde en symbiose avec la cosmogonie bouddhique dans laquelle à la conception commune de Dieu architecte de l'univers se substitue celle de l'esprit (du bouddha) qui est peintre, ce qui initie une invitation à la méditation.
Enfin, la lecture attentive de chaque panneau révèle une époustouflante maîtrise non seulement technique des procédés picturaux mais du sens de la composition picturale. Le raffinement de l'expression artistique tient au recours à la peinture du soie, alors que la peinture sur papier est privilégiée en son temps, au tissage particulier du support avec des espaces dans la trame qui donne le rendu de la gaze, la technique traditionnelle de la coloration du revers avec l'apposition de pigments minéraux sur les deux faces, et à l’absence de lignes de contour. Quant à la composition, elle s'avère magistrale alors même qu'elle met en scène des figures identiques en solo ou en groupe.
Spectaculaire avec le cadrage en gros plan déporté du majestueux phenix blanc tout en volutes plumagères du "Vieux pin et phénix blanc" retenu pour l'affiche et qui avait été modestement présentée à Paris à l'Exposition Universelle de 1900 dans la catégorie "Textiles" comme pour le vol enpiqué de "Oie sauvage et roseaux".
Harmonieuse avec le trio de grues ("Prunier en fleur et grues"), subtile avec les minuscules oiseaux disséminés dans le paysage ("Roses et petits oiseaux", "Pivoines et petits oiseaux", "Fleurs de pecher et petits oiseaux"), dynamique avec l'escadrille aérienne ou lacustre ("Millet d'automne et moineaux", "Etang aux lotus et poissons").
Et en motif majeur, le coq est décliné en majesté ("Nandina et coq", "Tournesol et coq"), en couple avec la poule faisant acte de soumission ("Vieux pin, coq et poule blancs" "Hibicus, coq et poule", "Hortensia, coq et poule"), en duo de mâles blanc et noir qui se jaugent ("Palmiers de Chine et coqs") ou en fantasia multicolore ("Coqs").
Et sortant de la salle, sont présentées les planches de l'album "Genpo yoka" réalisé par Jakuchu avec des gravures en noir et blanc usant de la technique de l’estampage chinoise utilisée pour la reproduction sur papier des inscriptions gravées sur les stèles votives, qui montrent, dans des cadrages d'une modernité aussiaudacieuse qu'absolue "Les Fleurs précieuses du jardin mystérieux" qui fleurissent sur le terre des Immortels.
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